vendredi 4 juillet 2008

Encore des sophistes aujourd'hui ?

Qui étaient les sophistes que dénonçaient Socrate en son temps ? Sans doute des professeurs de rhétorique, des avocats, des beaux parleurs en tout genre, prêts à voiler la vérité du fond sous l'apparence de la forme. Bref des "communicants" bien peu différents de ceux d'aujourd'hui.
J'y pensais, en écoutant sur France 3 récemment le Président... A la veille de sa prise de fonctions au sommet de l'Union Européenne, il faisait le point sur ses projets et dossiers en cours. A propos des travailleurs sans papiers, il maintint ferme l'orientation donnée à M. Hortefeux, son ministre : il fallait bien expulser les personnes en situation irrégulière car "la France, selon la célèbre formule de Michel Rocard, ne pouvait accueillir toute la misère du monde" ! Voilà l'argument définitif : comment pourrait-on lui reprocher une politique, appliquée en son temps, par la gauche humaniste ?
Pauvre Michel Rocard, naguère si populaire dans l'opinion, riche dans ses analyses, pertinent dans sa gouvernance malgré les croche-patte que lui firent allègrement ses compagnons ! Pauvre Michel Rocard, dont la longue carrière -maire, député, premier ministre, sénateur, député européen encore à ce jour- se trouve communément résumée par deux formules simplistes : "le parler vrai" et "la misère du monde" !
Paradoxe incroyable : la seconde formule est toujours utilisée pour démentir la première : car le propos exact (1) est celui-ci : "La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part."
C'est donc exactement l'inverse de ce qu'en dit M. Sarkozy, en dépit de tous les démentis que Rocard ou ses amis ont rédigés depuis près de 20 ans pour rétablir le "parler vrai". Propos habilement détourné donc au profit d'une politique sécuritaire, faisant des étrangers -qu'ils travaillent ou non, qu'ils paient des impôts ou non- la source des malheurs de la France : chômage, délinquance, déficits sociaux ; politique plus conforme aux souhaits des extrêmes que des pratiques des socialistes ! Argument sophiste, prenant sans vergogne le contre-pied de la vision originelle. Mauvaise foi évidente, inélégance indigne.
Notre pays qui revendique depuis Descartes la rigueur des mots pour désigner les choses, notre pays n'est plus ce qu'il était. La cause ? A coup sûr "Mai 68" ... Haro ! Il a raison le Président : "liquidons 68", à l'image des Grecs, au bord de la banqueroute et exténués par leur guerre contre Sparte, qui voulurent sauver leur pays en "suicidant" Socrate. Moralité ? plus de Socrate, partant plus de sophisme.
Zarafouchtra


(1) Propos tenu en 1989, devant des militants de la Cimade, par Michel Rocard alors premier ministre.

Référence : "La part de la France" - "point de vue" de Michel Rocard, publié dans Le Monde du samedi 24.08.1996.



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