jeudi 31 juillet 2008

Douceur angevine

Bien souvent il nous était arrivé de traverser Angers, jamais de nous y arrêter. Lors de nos nombreux voyages en Bretagne, les haltes étaient plutôt réservées aux célèbres châteaux de Blois, Azay le Rideau ou autres Chenonceau, parfois aux parcs et jardins de Chaumont ou Villandry.
D'Angers, seule me trottait dans la tête cette petite musique des vers de Du Bellay immortalisant "la douceur angevine". Quoi donc ? un climat, un pays, des couleurs, des images, où -la nostalgie aidant- le poète enracinaient ses plaisirs, ses amours, ses espoirs et ses rêves.

Un dimanche matin de juillet, avant que le soleil ne soit trop haut dans le ciel, je l'ai ressenti ce climat ; j'ai enregistré ces couleurs et entendu mes oreillers bourdonner de cette musique douce. En traversant la vieille ville, en longeant le château et ses 17 tours rondes, l'esprit de cet Anjou du "bon roi René" m'a transpercé. En moi, l'histoire redonnait vie à la poésie : "Heureux qui comme Ulysse...". J'ai compris combien une belle plante, née de cet enracinement-là pouvait s'étioler si elle venait à en manquer.
Ces senteurs, cette musique ne se restituent pas aisément. Seules quelques photos, volées en cette paisible matinée, peuvent en laisser pressentir la douceur de la réalité. A défaut de la réalité de la douceur.
Zarafouchtra

Ci-dessus : jardins de Villandry - 13.07.08
Ci-dessous : pêle-mêle d'Angers - 13.07.08 (pour détailler, faire un clic sur la photo)

mardi 29 juillet 2008

Au fil des jours ... 8-11 juillet : la Grangette

C'était il y a plus de trente ans ... nous avions donné un coup de mains à Albert et Christiane pour reconstruire une vieille ferme, brûlée, abandonnée. C'était l'époque où nombre de citadins, retrouvant leurs racines terriennes, voulaient repeupler les campagnes désertifiées et leur redonner vie. Beaucoup ont lâché prise au bout de quelques années. Albert et Christiane ont persisté. Ils viennent régulièrement à "la Grangette", où ils y ont tissé des liens, où ils y trouvent la tranquillité paysanne, des paysages naturels et des lieux de nouvelles découvertes à vélo ou à pied l'été, à ski lorsque les Mézenc est revêtu de ses épaisseurs de neige.
Nous y étions revenus quelques fois, mais avec les années nos souvenirs s'étaient estompés et les évolutions successives de la maison nous avaient échappé. Plaisir des amis retrouvés, plaisir des lieux transformés ...

De Beaudelaire, ils ont en tout cas conservé le goût de l'invitation au voyage : "Songe à la douceur, d'aller là-bas, vivre ensemble ! -dit Beaudelaire- au pays qui te ressemble !" Au pays qui leur ressemble : au coeur d'une Ardèche rustique et belle, rude et généreuse, verte et colorées de fleurs et de senteurs.
Et pour poursuivre avec le poète, si l'on sait écouter et contempler : "Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté."
Calme et volupté dans un luxe minimal, frustre parfois, mais tout intériorisé. Luxe d'un mode de vie choisi, d'un partage amical permanent avec les copains ou la famille. La Grangette, c'est un carrefour habité, un courant d'air tant y passent de visiteurs invités ; une auberge espagnole où vous ne manquerez de rien. Pas même des récits et des rires sans fin d'Albert, ni des histoires de voyages de nos éternels globe-trotters, chevauchant leur VTT de Lyon à Istambul, de l'Arizona au Québec !
C'est donc à vélo que nous avons sillonné ensemble quelques routes alentour, pour découvrir quelques lieux privilégiés.
D'abord le chateau de Rochebonne surplombant la vallée de l'Eyrieux, entre Saint-Martin de Valamas et le Cheylard, et se découpant sur l'horizon de la chaîne des sucs où dominent le Mézenc et le Gerbier de Jonc.

(pour détailler, faire un clic sur la photo)
Là quelques ruines datant de la fin du XIe siècle laissent imaginer la vie au pied du chateau de la belle Arnaude et de Bertrand de Rocha Bonna ! Devenu enjeu des convoitises lors des guerres de religion, il fut envahi, pillé, détruit... Aujourd'hui, des passionnés d'histoire locale et de patrimoine s'efforcent de préserver les vestiges et de reconstruire quelques murets. Méthodiquement les blocs de pierre taillés reprennent la place qu'ils avaient perdu depuis des siècles.

Puis le lendemain, montée sur le plateau de Faye sur Lignon. Une belle "bosse" de 13 kilomètres, pour atteindre la fraîcheur, malgré le soleil, et les senteurs de la flore épanouie. Bientôt on arriva à Saint-Front : le lac de cratère, aux eaux claires et pures, puis le village haut perché avec son église romane, aux pierres grises ou noires nées du volcanisme alentour.
Et tout au long de la journée, les nuances de vert qui se superposent : le vert des fayards, celui des sapins et autres résineux, le vert des bouleaux, celui des marronniers, celui des prairies parsemées de toute la palette des couleurs.
Un régal, loin de tous les encombrements des autoroutes. Mais pourquoi vont-ils tous dans cette galère ?
Zarafouchtra


jeudi 24 juillet 2008

J'avais cru au miracle ...

La présence radieuse d'Ingrid B., enfin libre sur le sol français, avait produit un rare moment de vérité. Le Président lui-même irradié avait donné une image à la hauteur de sa fonction. Digne enfin comme il ne l'avait que rarement été depuis son élection. Oubliés les méprisants "casse-toi pauvre con" ou les "descends un peu l'dire", au bénéfice peut-être d'un nouvel état de grâce qui ne serait pas dilapidé par quelques séquences "bling bling".
Hélas, il fallut moins de 24 heures pour déchanter ! Auréolé de cette victoire de la liberté sur la barbarie des FARC - puisqu'Ingrid Bétancourt elle-même lui en accordait la part de responsabilité-, le lendemain, il s'en alla parader au conseil national de l'UMP, comme lors du G8, décrit avec tant de justesse par P.P.D.A., "excité comme un petit garçon qui est en train de rentrer dans la cour des grands". Et de décrire combien la France change sous l'impulsion de sa politique. "La France change beaucoup plus vite, beaucoup plus profondément qu'on ne le croit", dit-il, justifiant l'idée par l'exemple -non sans cynisme ni prétention- : "désormais quand il y a une grève, personne ne s'en aperçoit".
Patatras ! fini l'état de grâce. Retour au candidat président, au président partisan. En bonne métaphysique aristotélicienne, on pourrait dire que l'apesanteur n'est décidément pas l'essence de notre président ; elle lui est au mieux un accident. Les français estimaient cette qualité nécessaire à la fonction, chez le titulaire actuel elle est simplement contingente.
J'avais cru au miracle, ce n'était qu'un mirage.
Zarafouchtra

Référence : Le Discours de N. Sarkozy -cliquez pour consulter sur le
Site Internet : Les mots ont un sens

dimanche 6 juillet 2008

Marre de la télé ? Pas si vite.

La télévision, c'est merveilleux. J'en ai besoin pour me nourrir d'actualités, de reportages, d'images, de divertissements même, mais elle m'insupporte tout à la fois.
J'ai en permanence envie de reprendre une formule impropre, une accentuation, une approximation, une exploitation éhontée de séquences en boucle au profit de l'audience, de la consommation ou d'une visée partisane. Bref, je la souhaiterais souvent en panne...

Quel bonheur jeudi soir, elle marchait ! A la place d'une énième rediffusion ou série, Thérèse est tombée sur les images de la libération inattendue de Ingrid Bétancourt. Miracle ! Nous voilà rivés à l'écran, soufflés par la précision des mots, la fluidité des choses. Cette femme, à peine sortie de son enfer, était ravissante ; elle nous ravissait et m'ôtait tout esprit d'éternel contempteur.

A défaut d'avoir retranscrit aussitôt cette rare impression, j'ai trouvé sur un blog (1) des mots qui auraient pu être les miens. J'ose les emprunter, tant ils me semblent appropriés :

"Ingrid Bétancourt est habitée. Elle porte en elle une paix et un calme incroyables. On l’imaginait presque mourante descendant de l’avion, une victime ayant subi une détention terrible et des conditions d’humiliation profondes. On la découvre, sereine avec la force de celle qui a été transformée par l’épreuve et qui en sort grandie.

Elle répond, posée et souriante, à une heure de conférence de presse sur le tarmac. En quelques mots, on devine son étoffe. Il n’y aucune haine, aucune rancune dans son regard. Une force morale extraordinaire.

Les journalistes lui posent de vraies délicates questions sur la politique, son choix de visiter ce village qui a conduit à son enlèvement. Elle y a pensé, elle ne regrette rien et pense que telle était son destin et quand elle le dit, on la croit, cela se voit.

Ingrid dit des mots comme s’ils étaient déjà écrits. Son calvaire, elle semble en avoir déjà mis à distance. Elle est là, elle pense au futur et remercie chacun. Ce que nous avons vu en direct est rare, profondément rare, nous avons vu un être humain digne qui nous montre le meilleur de nous, même en sortant de l’enfer.

Bienvenue, bienvenue Ingrid, bienvenue chez nous".

Le surlendemain, même chose à son arrivée sur le sol français ! Il émane d'elle tant de grandeur, de distance, de justesse dans ses propos et dans son attitude que le Président s'est senti obligé de se grandir. Inouï. Pour être à la hauteur, il réplique par un petit discours sobre, juste, sans facilité, ni forfanterie. Bref, enfin un discours de Président ! Nouveau miracle, vrai miracle. Habitée ? exaltée, Ingrid Bétancourt ? Non, non. Une sainte, vous dis-je !
Et si l'on gardait encore un peu la télé ?
Zarafouchtra

Documents : Le retour d'Ingrid Bétancourt en France (Le Monde.fr - Màj le 04.07.08 - 18h04). Pour consulter, cliquez :
http://www.lemonde.fr/web/panorama/0,11-0@2-3222,32-1066601,0.html
3 rubriques
- Les larmes de joie d'Ingrid Bétancourt
- L'arrivée sur le sol français
- Nicolas Sarkozy : "C'est toute la France qui est heureuse"

(1) – Mémoire vive.TV : www.memoirevive.tv/categorie/blog/ – 3 juillet –

vendredi 4 juillet 2008

Encore des sophistes aujourd'hui ?

Qui étaient les sophistes que dénonçaient Socrate en son temps ? Sans doute des professeurs de rhétorique, des avocats, des beaux parleurs en tout genre, prêts à voiler la vérité du fond sous l'apparence de la forme. Bref des "communicants" bien peu différents de ceux d'aujourd'hui.
J'y pensais, en écoutant sur France 3 récemment le Président... A la veille de sa prise de fonctions au sommet de l'Union Européenne, il faisait le point sur ses projets et dossiers en cours. A propos des travailleurs sans papiers, il maintint ferme l'orientation donnée à M. Hortefeux, son ministre : il fallait bien expulser les personnes en situation irrégulière car "la France, selon la célèbre formule de Michel Rocard, ne pouvait accueillir toute la misère du monde" ! Voilà l'argument définitif : comment pourrait-on lui reprocher une politique, appliquée en son temps, par la gauche humaniste ?
Pauvre Michel Rocard, naguère si populaire dans l'opinion, riche dans ses analyses, pertinent dans sa gouvernance malgré les croche-patte que lui firent allègrement ses compagnons ! Pauvre Michel Rocard, dont la longue carrière -maire, député, premier ministre, sénateur, député européen encore à ce jour- se trouve communément résumée par deux formules simplistes : "le parler vrai" et "la misère du monde" !
Paradoxe incroyable : la seconde formule est toujours utilisée pour démentir la première : car le propos exact (1) est celui-ci : "La France ne peut accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part."
C'est donc exactement l'inverse de ce qu'en dit M. Sarkozy, en dépit de tous les démentis que Rocard ou ses amis ont rédigés depuis près de 20 ans pour rétablir le "parler vrai". Propos habilement détourné donc au profit d'une politique sécuritaire, faisant des étrangers -qu'ils travaillent ou non, qu'ils paient des impôts ou non- la source des malheurs de la France : chômage, délinquance, déficits sociaux ; politique plus conforme aux souhaits des extrêmes que des pratiques des socialistes ! Argument sophiste, prenant sans vergogne le contre-pied de la vision originelle. Mauvaise foi évidente, inélégance indigne.
Notre pays qui revendique depuis Descartes la rigueur des mots pour désigner les choses, notre pays n'est plus ce qu'il était. La cause ? A coup sûr "Mai 68" ... Haro ! Il a raison le Président : "liquidons 68", à l'image des Grecs, au bord de la banqueroute et exténués par leur guerre contre Sparte, qui voulurent sauver leur pays en "suicidant" Socrate. Moralité ? plus de Socrate, partant plus de sophisme.
Zarafouchtra


(1) Propos tenu en 1989, devant des militants de la Cimade, par Michel Rocard alors premier ministre.

Référence : "La part de la France" - "point de vue" de Michel Rocard, publié dans Le Monde du samedi 24.08.1996.



jeudi 3 juillet 2008

Au fil des jours ... 24 juin : Vélo vert en Bourgogne ...

Heurs et bonheurs de la Saint-Jean ? La douceur de la température est parfaite ce matin-là, le soleil est présent mais très faiblement voilé, les vélos roulent à la file indienne ; une dizaine de cyclos, tous retraités mais tous affutés pour les 140 km annoncés par le chef de route ! L'allure est soutenue, l 'effort modeste néanmoins car le profil d'étape est presque plat. Passée La Clayette, voici Charoles puis Palinges où une brioche partagée ressource l'équipée. On longe ensuite le canal du Centre ; l'eau est paisible, c'est à peine si l'on entend les bateaux tracer leur voie ; la petite route est aussi tranquille, les senteurs de foin montent des prés, les coquelicots et les bleuets rappellent l'enfance. L'esprit vagabonde et chacun apprécie le privilège du jour.
Arrive la voie verte qui emprunte l'ancien chemin de halage : on passe Paray le Monial, on croise quelques promeneurs, randonneurs, rollers mêmes. Tout baigne, Digoin approche et patatras, me voici "cul par dessus tête" comme l'écrivait si bien ce cher Montaigne ! Nul n'a rien vu, tous ont su pourtant m'éviter avec habileté.
Changement d'antienne ! c'est désormais heurts et malheurs qu'il faut écrire ; heurts et pleurs, tellement le choc m'a coupé le souffle, brisé une ou deux côtes et luxé le pouce. ..
Et que penser des voies vertes prétendues sécurisées, moi qui viens d'être victime d'un piquet de la barrière de protection ? Avec le même petit écart, côté gauche, c'était le plongeon dans le canal. En dépit de la température d'été, j'ai mieux fait de ne pas tenter l'expérience.
Tiens, ça me rappelle la précédente chute de VTT du côté du col du Pavillon, il y a presque deux ans. "Casse-cou" disait ma mère qui s'est toujours désolée de mon côté déraisonnable. Quoi ? Deux chutes, deux ans : si l'on veut bien établir le rapport aux 8000 km parcourus, c'est un pourcentage raisonnable, non ?
Rafraîchi contre mon gré par "Robert le diable" et conseillé par "Paulo la science es pharmacopée", j'ai repris la route vers l'auberge de Vindecy. Soudain plus de fleurs ni de senteurs, que des douleurs ! Seul l'apéritif offert en l'honneur de la Saint-Jean par notre ami le bien nommé, sut redonner des couleurs au groupe.
Thérèse appelée au secours me permit de terminer le parcours en voiture. Et le soir, j'étais présent, en "gentleman-cabrioleur", au diner prévu pour clore la journée. Ce fut un nouveau moment de sympathie partagée ; envie d'amitié et de compagnonnage certes, mais surtout "besoin de vélo" selon la belle formule de l'écrivain Paul Fournel. Les bobos seront bien vite oubliés ; je maintiens donc ma première impulsion : heurs et bonheurs de la Saint-Jean !
Zarafouchtra

Paul Fournel : "Besoin de vélo" (Le Seuil - 2001)




mercredi 2 juillet 2008

Au fil des jours ... 22 juin : Louze

Combien de fois avons-nous traversé Ville-sous-Anjou et Anjou (Isère), ces petits villages déjà à l'allure pré-provençale, sans prendre suffisamment la peine de les regarder pour en imaginer leur histoire ?
L'église ancienne de Ville-sous-Anjou est installée au coeur du cimetière ; mieux même le cimetière est installé au sein de l'église. C'est dire si elle est restée en ruines longtemps, sans repérage de son ancienne architecture au point que les tombes sont venues occuper les espaces dégagés.
Restaurée désormais, elle dessine un plan d'ensemble très observable depuis le porche d'entrée aux quelques sculptures préservées. Plan classique, avec une nef centrale flanquée de chapelles collatérales ; seules celles de droite sont conservées partiellement. Au-dessus, le clocher demeure avec ses arcades sobres mais assez élégantes.
Et puis pas très loin, sur le plateau de Louze (Auberives-sur-Varèze), quelques jeunes agriculteurs s'efforcent de maintenir la tradition des fruits de qualité, beaux et surtout bons ! Jean-Claude et Julien prolongent le travail soigné, méticuleux, appris notamment au contact attentif de Maurice et Daniel.
Le patrimoine architectural, patrimoine agricole, la vie paysanne, les histoires des familles, des territoires, la grande ou les petites histoires, ça c'est la mémoire de Pierre TRAYNARD. S'il était né en Afrique, Pierrot serait griot, le griot du village dépositaire de la tradition orale ; ici, il est un "raconteur" permanent [au centre de la photo, en conversation avec Thérèse, sa soeur cadette]. Pierrot ? Un monument de l'histoire locale, dont le talent des mots et les connaissances sont à préserver. Avant que les choses ne s'estompent de sa mémoire, qui viendra l'entendre ? Qui viendra l'enregistrer en français ou ... en patois ? Qui réussira à l'inciter à écrire d'urgence ses mémoires ou à rédiger un blog ?... Histoire et monument en péril ? "Allez Pierrot, au Blog, d'urgence" !
Zarafouchtra