mardi 25 novembre 2008

Un fait divers ? Changeons la loi ! - illustration-.


J'enrage depuis des années, mais en particulier depuis 2007, quand à la suite d'un fait divers grave, voire tragique, mais singulier, les politiques incriminent aussitôt l'inadéquation de la loi, pour proposer de la changer dans l'urgence !
C'est contraire à l'essence même de la loi, dont le but est, non pas de répondre au cas particulier, mais de servir le bien commun, l'intérêt général et de viser l'universel.
Cette pratique dévoyée relève de la gesticulation médiatique. But ? Montrer au bon peuple et aux victimes, que la puissance publique est vigilante, qu'elle ne laisse pas les crimes et délits impunis, que l'autorité et la sécurité ne cèderont pas devant le laxisme. Stratégie de la posture et de la bonne conscience.

Le drame du jeune étudiant grenoblois poignardé récemment par un malade schizophrène renvoie à cette catégorie. Le président de la République, selon le Monde (1) aussitôt "a promis un durcissement de la loi de 1990 sur les hospitalisations d'office, par la création d'un fichier et une restriction des libertés des patients". Que prescrira la loi ? Enfermer plus, plus longtemps ? Interdire les sorties, les mises à l'épreuve ? les réductions de peine ? Tout cela sans doute, ce qui entraînera d'autres conséquences malheureuses, d'autres drames. Déjà 25% des détenus en France souffrent de troubles psychiatriques, sans soins appropriés. Punir, encore punir !

"Foucault, réveille-toi, ils sont devenus fous"! Ce n'est pas une loi qui est urgente, mais une pensée, une perspective avec des solutions médicales, des pratiques sociales, psychologiques, associatives ; avec des mesures cohérentes, coordonnées, évolutives, tant pour les malades, les familles que pour les équipes soignantes. Bref repenser le problème dans sa globalité ; les attentes sont énormes, les besoins considérables et la pénurie complète.

Depuis une trentaine d'années, la maladie mentale est redevenue un tabou. Oubliés les fous, au risque de voir resurgir la tragédie comme à Pau, en 2004 ! Quant à la souffrance quotidienne des malades, de l'entourage, il est lui aussi nié, alors que chaque cas, chaque mort ou suicide est un cri d'alarme. Cri dérisoire que nul ne veut entendre.

Parmi ces cris au secours, un livre remarquable : "Histoire d'une schizophrénie - Jérémie, sa famille, la société" (2). L'auteur, Anne Poirée, décrit un voyage au coeur de la schizophrénie, à travers le regard d'une maman dont le fils est malade. Impuissante, ignorante de la maladie et des attitudes à adopter, désarmée face aux "psy" et leur mutisme, cette mère accompagne son fils avec amour et tendresse jusqu'à la mort. Histoire vraie. Authenticité de l'écrit. L'écrivaine raconte, réagit, dénonce l'incurie médicale et de la société qui préfère ignorer ses failles. Elle appelle à un autre système de soins, pour un autre regard, pour une autre organisation sociale. Le Docteur Olivier Louis, psychiatre et spécialiste de la schizophrénie, annote l'ouvrage et donne, comme dans une oeuvre musicale, un contre-point, un contre-chant qui tempère, précise, clarifie, reprend, non pour contredire mais pour compléter l'approche. A la subjectivité du récit, il ajoute l'objectivité de l'expertise.

D'autres réflexions de ce type existent, d'autres personnes notamment au sein d'associations, telles l'UNAFAM (3) ont compétence pour en parler. Il serait urgent que sur ce point le ministère amorce une démarche de réflexion, écoute l'ensemble des acteurs et définisse une politique cohérente de santé mentale pour la décennie à venir. Est-ce trop exiger ? Il est si simple de se contenter de "surveiller et punir".(4)

J'ai eu le plaisir de lire cet ouvrage dès son premier jet et même de suggérer à Anne Poiré -amie de longue date- des ajouts et des ajustements. Non sans quelque réticence, Anne a patiemment réécrit des pages, avec intelligence et finesse. J'ai apprécié le résultat final. Puisse-t-il être utile !
Sinon je continuerai à enrager ...

Zarafouchtra

(1) Le Monde du 20 novembre 2008 - Editorial et série d'articles sur la question.
(2) Editions Frison-Roche - juin 2008. Préface Jean Canneva.
Illustration de couverture Guallino, Fable du Chemin, 1989
(3) UNAFAM : Union Nationale des Amis et FAmilles des Malades psychiques.
(4) Allusion au titre du livre de Michel Foucault.- Editions Gallimard 1975.



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