dimanche 23 novembre 2008

Il y a longtemps que je ne t'aime plus...


Il y a quelques mois, j'avais intitulé un billet "Duel de charme", dans lequel j'évoquais les duos parfois acérés des actrices. Et de mentionner les Sandrine Bonnaire/Catherine Frot ou Kristin Scott-Thomas/Elsa Zylbertstein. [cf. l'article du 16.08.08] Pour le seul plaisir du cinéma.

Avec un peu d'imagination, j'aurais pu anticiper sur le combat frontal que se livrent, dans l'actualité, Martine Aubry et Ségolène Royal, pour la prise de pouvoir du P.S. Là, ni charme, ni cinéma ; au mieux une tragi-comédie, au pire un opéra-bouffe, orchestré, amplifié par les média dont le plaisir de la mise en scène est un pur ravissement. Ah, quel "Duo des chats" Rossini eût-il pu nous composer ? Car l'une prétend caresser quand l'autre griffe, l'une grimace quand l'autre sourit ; l'une incarne le progrès, l'autre l'avenir ! le changement sans rompre avec l'histoire, contre la fidélité au passé comme promesse du lendemain. Trahison prochaine vers le centre ou élection assurée avec le Centre ?
Laquelle est l'apparence, laquelle est la réalité ? Selon les schémas auxquels elles ont été nourris, la réalité visible n'est que l'écume des structures qui déterminent les faits et les consciences. Dès lors quel fond les habite l'une et l'autre ? Quel modèle les fascine ? Le mitterrandisme de congrès qui maniait superbement le verbe de gauche, ou le mitterrandisme de manœuvre qui choisissait Tapis contre Rocard ?

Le malheur est que ce combat n'ait pas été mené auparavant jusqu'au K.O. final. Depuis plusieurs années, le combattant précédent François de Tulle s'est mué en arbitre, se contentant de manager les uns et les autres à chaque round ; round européen, round présidentiel, round des motions sans synthèse sur le ring de Reims. Le débat démocratique, au lieu de trancher, s'est noyé dans l'irrésolution.

"Bonnet blanc, blanc bonnet". Aucune n'est celle que vous croyez. Aucune n'a le pouvoir de catalyse pour qu'une majorité de France puisse se reconnaître dans son élan. Alors deux scénarios : "Je t'aime, moi non plus" (1) et s'en est fini du P.S. - explosion assurée ; ou bien "Si je t'aime, prends garde à toi" (2) - et risque d'étouffement !

Coïncidence heureuse : le hasard de mes lectures m'avait récemment conduit aux "Cahiers secrets de la Ve République" de Michèle Cotta et au plaisir de revisiter l'histoire, y compris ses coups bas. Sans exclusive : Pompidou, Chaban Delmas, Giscard d'Estaing, Chirac, Pasqua ... tous tueurs ou tués selon les moments. Un pur régal. Sans oublier le maître, François Mitterrand, entrant au congrès constitutif du P.S. en 1971 (Epinay sur Seine) soutenu par seulement 10% des délégués (la Convention des Institutions Républicaines) et en sortant avec plus de 50% de votes. Un parfait hold-up de l'ex-SFIO ! Et une vraie arnaque, imposant désormais l'idée que les programmes valent plus que les hommes... Mais aujourd'hui en dépit d'une "Déclaration de Principes" (3) adoptée en avril par consensus, pas moins de six motions ont été présentées au vote ! Comme chez les Atrée, les conflits se transmettent de génération en génération ; les "cocus" d'Epinay sont les pères ou les frères de ceux de Reims !

Alors Ségolène Aubry ou Martine Royal ? La dame de cœur ou la dame de pique ? Qu'elles prétendent se tendre la main, elles sont condamnées à s'écharper. Et l'espoir des "petits lendemains qui chantent" est plombé pour longtemps..., à moins qu'un messie, François de Tulle par exemple -tel un Lionel de Ré naguère- ne revienne en 2012, revigoré par quelques années d'oubli ...

Le bon peuple de gauche pourrait-il y croire ? Trop tard ! il a déserté, tandis que l'on entend déjà s'aiguiser d'autres couteaux. Michèle Cotta ou ses collègues auront encore de beaux épisodes à nous conter.

Zarafouchtra

(1) : film de Serge Gainsbourg -1976. Titre repris par Maria de Medeiros en 2007.
(2) : film de Jeanne Labrune -1998.
(3) : "Déclaration de Principes" - 21 avril 2008
Clichés : d'après Ouest-France - 24.11.08



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