mercredi 4 février 2009

1632 ... et toujours la même tentation.

1632 ?
C'est le nombre de pages que comportent les carnets secrets de la Ve République de Michèle Cotta. Journaliste d'abord puis présidente de la Haute Autorité de l'audiovisuel, elle a fait preuve d'une belle constance pour rédiger presque chaque jour ses notes et appréciations critiques. Depuis 1965, elle n'a eu de cesse de poursuivre de son assiduité le personnel politique, pour en obtenir le meilleur de ses secrets. Au gré des pages, ce sont notamment les portraits de Mitterrand, Pompidou, Giscard, Chirac, au milieu de dizaines d'autres qui ont marqué de leur empreinte la Ve République. Aucun ne manque, certains viennent et reviennent selon l'actualité. Un manège permanent, où la distance nécessaire à la déontologie se dispute à la sympathie, la complicité ; l'amitié même, bien que contenue, car l'auteur livre leurs secrets et très peu les siens.


Vrais ou faux secrets ? Si les enjeux d'alors leurs donnaient quelque profondeur, la réalité d'aujourd'hui les a largement éventés. Secrets de polichinelle que les trahisons de Chirac ! les ficelles tirées en coulisse des Garaud, Juillet et Cie ! les combats ou les coups bas tirés à vue dans tous les congrès socialistes !

Parmi mille choses que contiennent ces deux tomes, un énorme fil rouge, une volonté lancinante, récurrente des présidents successifs : avoir la main sur l'information. En dépit des intentions avouées ou de la morale affichée, ils sont dans l'illusion permanente que là est la clé de leur avenir. Ah ! si les journalistes, si la radio et la télé surtout rendaient mieux compte de leurs intentions, de leurs projets, la France s'en porterait mieux et les français leur rendraient spontanément grâce en les réélisant ... Et chacun de s'enferrer avec le même aveuglement.

De Gaulle, Pompidou, Giscard, tous ont recherché la servilité de la profession. Les premiers avec un ministère de l'information directement sous le contrôle du Premier Ministre ; Giscard, dans sa vision plus libérale, casse le monopole de l'O.R.T.F. au nom de son credo libéral, mais bénéficie encore du poids des institutions et des habitudes.

Pour Mitterrand, c'est plus complexe. Ses orientations prônant les radios libres et la liberté des médias, vont faciliter le pluralisme de la presse, des ondes et des images. Il n'oubliera pas néanmoins dès le début de son septennat de "soutenir le départ" de journalistes et animateurs des années 70 ! Puis il créera la Haute Autorité -confiée néanmoins à l'une de ses proches- comme marque de l'indépendance revendiquée.
Combien de fois Michèle Cotta évoque les conversations où Mitterrand, sans donner de strictes consignes, tente de circonscrire toute attitude qui pourrait lui devenir hostile ! Il joue ainsi au chat et à la souris, la laissant s'échapper sans la perdre du regard. Jusqu'au jour où, après des élections perdues, Chirac transformera cette institution pour la reprendre en mains.

Devenue Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (C.S.A.) cette institution fêtait ce 3 février ses 20 ans d'existence. J'allais lever mon verre pour saluer, si ce n'est l'indépendance, du moins une certaine autonomie... Patatras ! l'histoire, comme le prétendait Nietzsche, est bien un éternel recommencement. Le Parlement "dans sa grande sagesse" est en train d'adopter la loi sur l'audio-visuel qui redonne la main au Président-Tout-Puissant, sur toutes les nominations des chaînes TV et radios publiques. Et probable hasard des choses, ses meilleurs amis sont -"à l'insu de son plein gré"- les puissants patrons de groupes de presse et de communication.

Mais les journalistes sont-ils aisément disponibles ? La plupart savent que la liberté ne s'use que si l'on ne sert pas. Comme, dès ce jeudi 5 février, le Président s'invite dans les petites lucarnes pour "faire la pédagogie de la crise" face à des interrogateurs qu'il a choisis, y aura-t-il séance d'illusionnisme ou sursaut de liberté ?

Que de secrets, tentations ou tentatives, illustrations ou illusions, les Michèle Cotta de demain auront encore à raconter ; en 1632 pages ou plus ... si affinité !
Zarafouchtra

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