vendredi 4 février 2011

Escapade à Paris

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L'exposition de Claude Monet battait son plein au Grand Palais (1) en ces premiers jours de l'année. Elle nous aurait ravis évidemment mais Paris a cet avantage sur bien des villes de culture de France : une exposition en cache toujours une ou plusieurs autres !  
Derrière Monet se cachait bien d'autres artistes. Il nous suffit d'aller du côté du Marais.

Affichage expo. ARMAN (façade Beaubourg)
Comme à l'accoutumée, au Centre Pompidou de  Beaubourg régnait une effervescence sereine. MONDRIAN était à l'honneur, les informations l'avait largement rapporté ; les visiteurs se pressaient, avides de couleurs franches et vives dans la grisaille du mois de janvier. 
A un autre étage, plus discret mais plein d'idées et de ressources, ARMAN s'exposait dans la continuité et la diversité de ses œuvres. Voilà un artiste qui semble familier, pour avoir vu quelques uns de ces célèbres amas d'objets. Mais où ? Lesquels ?  Ma mémoire se fait plus floue hormis la sculpture, grande et belle accumulation de fourchettes ["Les Gourmandes" - 1992 - photo ci-dessous] qui marque le rond-point  entre la gare et le restaurant Troisgros, à Roanne. Je l'ai vue pendant des années -sans toujours la regarder-, chaque matin avant de franchir le portail du lycée.
"Les gourmandes" - sculpture à ROANNE
Deux belles heures de visite pour entrer en concordance avec cet artiste, à travers ses influences notamment du côté de Pollock à ses débuts de peintre. La série d'œuvres-poubelles, construites plus tard à partir de détritus et de reliefs divers, manifeste un champ entier de sa recherche formelle, théorique. Sorte de psychanalyse des contemporains, autorisant des "portraits-robots" à travers leurs déchets autopsiés.  Ce n'est pas ce qui touche le plus mais la radicalité de l'expérience éclaire l'histoire de l'art du XXe siècle. Elle soulève plus la question du sens que celle du sentiment.
Les agglomérats de pièces industrielles, de carcasses ou de portières automobiles sont un autre témoignage du temps récemment passé. Mais l'émotion la plus forte émane des œuvres nées de la relation du cubisme et des objets où les coupes, les colères, les gestes spontanés -ou savamment recherchés- produisent des métamorphoses, des harmonies inattendues. Et les instruments de musique souvent utilisés ne sont pas étrangers à ces harmonies qui tintent aux oreilles du visiteur... Cette vidéo de présentation en donne une idée, certes trop furtive, mais réellement apéritive.
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Bien sûr, la présentation des œuvres de Piet MONDRIAN, replacées dans le contexte  "De Stijl" (2) ne laisse pas indifférent. Au contraire. Presque trop familiers de certaines compositions dont la publicité s'est parfois inspirée, il nous arrive de passer à côté sans nous laisser surprendre. Là l'exposition nous replace dans la confrontation ; le contact avec les couleurs franches, vives, avec les lignes pures et brutales nous provoque inévitablement. C'est alors que les à-plats prennent toute leur force, les symétries attendues ou les dissymétries-surprise éclairent les choses et le monde dans leur dimension essentialiste. Faut-il énoncer pour autant que l'essence précède l'existence ? D'une certaine manière ce ne serait pas faux mais sans pour autant renvoyer à la vision éternelle, ontologique du monde platonicien ou religieux de notre civilisation judéo-chrétienne. Richesse de l'art pour dire le nouveau sans repasser les plats de l'histoire.

Affichage expo. MONDRIAN (façade Beaubourg)
Un détour ensuite par l'exposition sur Nancy SPERO, artiste figurative et expressive américaine, morte en 2009 et qui a marqué l'histoire du féminisme par son engagement social et artistique. Quelques œuvres sont parlantes, par la vigueur, la violence, la liberté qu'y met l'artiste. Les vidéos présentées parallèlement apportent un éclairage utile, pour qui n'est pas spécialiste.

Juste avant de quitter la belle et riche "raffinerie de l'art"" (3), un petit coup d'oeil dans la galerie des  œuvres d'art moderne et contemporain. Plaisir du contact avec les Kandinski, Delaunay, De Staël, Matisse et bien d'autres, vus tant de fois mais qui renouvellent l'émotion à chaque visite. Sans oublier de retraverser quelques salles des "Femmes artistes" que nous avions vues l'an dernier et qui nous avaient laissé un agréable souvenir.

Et puis la belle exposition des Basquiat au musée d'art moderne de la ville de Paris. Mais ce sera pour un autre jour ...
A suivre donc.

(1) Elle vient de se clore, après avoir accueilli 930 000 spectateurs. Lors de notre passage, trop de froid, trop de vent du nord et trop d'attente : nous ne voulions pas finir la soirée plus figés et plus violacés que les belles nymphéas du jardin de Giverny !
(2) Mouvement artistique hollandais né en 1917, inspiré des coutants spiritualiste et théosophique, porteur d'un nouveau langage remplaçant sujets et perspectives par des jeux de lignes et de couleurs primaires, pour créer une nouvelle mise en forme dite "néoplasticisme". 
(3) Selon le nom donné par les détracteurs du Centre Beaubourg, quand dans les années 1970, les projets présentés partagèrent la France en deux parties, aussi irréductibles que le furent les supporters des anciens et des modernes lors de la célèbre querelle du XIXe s.