mardi 5 janvier 2010

Le froid redouble de rigueur ... ?

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Janvier est là, avec ses froidures. On entend autour de soi parler de rigueur de l'hiver...

Je préfère réserver ce mot à ce qui décrit la cohérence des choses. La rigueur, disais-je, non la rigidité, c'est un principe fondateur de l'entreprise humaine, garant de la justesse et de la vérité.
C'est précisément pourquoi je m'agace, quand l'incohérence vient habiter des domaines où le sérieux, la gravité devraient s'imposer sans relâchement.

L'information, par exemple, quoi de plus exigeant ? Elle ne tolère ni l'approximation, ni le contradictoire. Et en cette matière le Service Public devrait s'avérer irréprochable. Pourtant .... deux exemples récents !

Le 4 janvier, sur France 3, lors des informations de 18h30 ou 19h. Le journaliste interroge sur les prévisions de l'année 2010. Cliquant sur son écran tactile comme un ado sur son jeu vidéo, il fait apparaître l'experte interviewée : Comment voyez-vous l'évolution de l'économie ? Et la politique, quel avenir proche ?

Avec le plus grand sérieux, la réponse est donnée. En substance : "la crise économique sera encore bien rude à supporter, mais elle laissera progressivement place à la reprise ; il faudra cependant attendre 2011, pour que ce soit plus net". Et les élections de 2012 ? Notre spécialiste se fait catégorique : "non le PS ne présentera pas DSK. Martine Aubry sera opposée à Nicolas Sarkozy qui l'emportera haut la main. Et Ségolène ? elle conservera un rôle...". Là le journaliste, largement repu des "preuves" accumulées, interrompt la pythonisse, aussi inspirée que le fut jadis la prêtresse de Delphes. Pythonisse ? J'exagère, pensez-vous. Mais non j'ai bien vu, j'ai bien lu sur l'écran : Madame-l'experte-des infos-du-soir était en toute rigueur ... astrologue. Et sans la moindre distance, ni ironie du journaliste, il enchaîna "sans transition" comme dit PPD la marionnette des Guignols, sur la relation d'autres événements. Dûment vérifiés ?

Le lendemain sur France-Inter, j'ai regretté que ce ne fut pas une séquence humoristique du "Fou du Roi". Le chroniqueur habituel de la Bourse de Paris, peu avant 13 heures, s'étouffe de satisfaction : "le CAC 40 frise à nouveau les 4000 points" ! Le yoyo libéral qui mesure les humeurs de l'économie, jouet cassé il y a moins de 18 mois, renaît comme le phénix miraculeusement. Qu'il monte ? Et notre admirateur s'esbaudit devant tant de merveilles : c'est la joie, l'espoir, le bonheur accessible du bout du doigt des riches. Qu'il descende ? Le voilà qui pleure : c'est la catastrophe, l'alerte rouge, la misère assurée pour les pauvres spéculateurs.

Jour de fête ! Cadeau des rois mages en ce temps d'Epiphanie ! Notre journaleux oublie la rigueur de son métier. Et de donner, comme à son habitude, des justifications à la hausse, avec autant de certitudes que les Diafoirus du théâtre de Molière ! La bulle gonfle, s'élève, se nourrit même des plans sociaux pour optimiser les profits : pourquoi ne pas exulter ?

Vous avez dit rigueur ?

Où sont les Poali, les Freeman, ou les Demorand qui s'évertuent tous les jours à décrypter la géopolitique, à dénoncer les délocalisations absurdes, le productivisme, les atteintes à l' environnement ? Où sont-ils ceux qui nous invitent à réfléchir, à dévoiler la réalité des faits sous les postures et les plans-com. ; à penser le monde autrement, à souhaiter qu'après la bulle financière rien ne devra(it) plus se reconstruire comme avant, à bâtir une éthique pour l'humanité ?

Manifestement dans le service public, il y a pour le moins failles, sinon faillite. Car à cultiver aussi nettement la contradiction, à dispenser cette chronique boursière quotidienne sans la mettre en cohérence avec les réflexions sur le devenir de la société et de la planète, n'est-ce pas se payer de mots et de concepts inutiles ? Et prendre les auditeurs pour des sots ?

Malheur à nous pauvres auditeurs, baladés d'un zig à un zag, sans autre moyen que de fulminer de tant d'approximations. On en viendrait parfois à tenter d'émigrer vers d'autres sites médiatiques plus..., moins..., bref mieux !

Hélas, pendant les récentes grèves sur France-Inter, j'ai fait l'essai des concurrents. Horreur ! J'ai bien vite réintégré ... Bah ! je baisserai le son, juste avant 13 heures, au moins jusqu' "à la Chandeleur, là où l'hiver s'en va ou prend vigueur".

Vigueur ? Eh oui, pour être rigoureux !

Zarafouchtra


N.B. Le dessin satirique sur le Bourse est tiré de : www2.snut.fr

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