lundi 19 janvier 2009

Le jour où la pub s'est arrêtée...

Ça y est, la pub c’est fini sur la TV publique depuis quelques jours ! A 20h35 commencent les vraies émissions pour la plus grande satisfaction de tous, pour le divertissement intelligent, pour le « mieux-disant culturel » annoncé jadis avec fracas. Bref une TV de classe, après tant d’années de modèle berlusconien !
Il restait cependant à le vérifier. Samedi soir, par exemple, une soirée tranquille sans autre projet en tête. Eh bien oui, il n’y a plus de publicité après le J.T. Juste la météo, quelques annonces de programmes et plouf ! on plonge directement dans les émissions. Quel bonheur, moi qui suis plutôt publiphobe.

Quoi donc au programme du jour ? Patrick Sébastien et son Grand Cabaret. Exceptée l’impression de déjà vu, puisque l’émission s’affiche mensuellement depuis plus de 10 ans, j’apprécie plutôt les numéros où les acrobates et magiciens, venus de tous les coins du monde, sont réellement dignes d’être applaudis ! Entrecoupées de quelques mots plus sobres, enchaînées sans les digressions habituelles et les plaisanteries ( !) de l’animateur, débarrassées des rengaines douteuses du tutti final, les séquences-spectacles pourraient donner de l’élégance à l’émission.
Mais pourquoi diable, le concept d’émission –comme l’on dit désormais dans les médias– n’a-t-il pas évolué ? Hier j’ai tout compris : la publicité n’est plus là avant et après l’émission, elle l’envahit, elle la submerge, l'engloutit. Au lieu de nous libérer de celle-ci de temps en temps, on nous la déverse à gros bouillon en permanence. La belle arnaque, le revers de la bonne conscience de Sarkozy !
Mauvaise foi de ma part ? Probablement, diront certains ; mais voyons le détail. Douze invités, douze promos, douze "contrats" de publicité" !
Victoria Abril ? elle venait présenter un C.D., Michel Jonasz ? je ne sais plus quel DVD ; idem pour Natasha Saint-Pierre. Clara Morgane, une belle fille inconnue glosait sur son album nouveau-né ; les comédiens Henri Guibet et Christophe Guibet évoquaient leur tournée avec un spectacle en duo familial. Marie-Claude Pietragalla, la brillante danseuse présentait… quoi donc ? Patrick Bosso, un DVD de tournée ou quelque chose semblable. La chanteuse Elsa venait de sortir un album CD sous son vrai nom Lunghini –nouveauté oblige !- Enfin, Jean-Luc Lemoine ? le Dvd de son one-man-show peut-être. J’aurais dû prendre des notes... Quoi d’autres ? Rien ne leur fut demandé, sauf de présenter le numéro de cabaret suivant, maintes fois entrecoupé des commentaires intempestifs de Sébastien - mystère de l’ego !

Je me suis alors dit : « malchance, tu es tombé par sur une rediffusion, une-du-temps-avant-la-fin–de-la-pub ! "
Sitôt pensé, sitôt vérifié. J’ai laissé venir l’émission suivante. Laurent Ruquier nous annonça qu’il ne fera pas ce soir la pub de Martine Aubry, ni de Carla Bruni-Sarkozy, ni celle de … Parfait ? Pas si vite. On passa à ses invités. La fantaisiste Florence Foresti était là pour parler de sa tournée, l’écrivain Philippe Besson trouvait excellent son dernier roman, Michel Fugain se laissait faire la promo de son autobiographie ! Je ne vous dis pas mon humeur. Enfin, peut-être Alain Duhamel nous offrirait-il une analyse d’actualité dont il a le secret ? Vous n’y pensez pas : arrive sans tarder la pub pour son essai « La marche consulaire » une comparaison entre Bonaparte et Nicolas Sarkozy. Qu’allait nous vendre Anne Hidalgo, le bras droit de Delanoë à la mairie de Paris ?
Malheur, je ne saurai jamais. J’ai éteint exténué, écrasé de fatigue sous tant de pub déguisée. Allez, je rallumerai quand les députés remettront la pub sur le service public. Putain de service !
Zarafouchtra

vendredi 16 janvier 2009

Les docteurs imaginaires de la finance

--
Pourquoi ai-je gardé un souvenir impérissable du "Malade imaginaire" de Molière ? Sans doute parce que j'ai vu la pièce alors que j'étais encore très jeune. Plus certainement encore parce que Jean Dasté en était l'immense acteur principal.

Depuis des années, mais encore plus fortement depuis la crise financière de l'automne, je pense à cette comédie-là, lorsque j'entends les experts de l'économie et de la bourse expliquer les oscillations du C.A.C. 40, de l'euro ou du dollar. Chute de 3% du cours de la bourse ? l'attente des décisions de la F.E.D. ou la B.C.E. qui hésitent sur leurs taux directeurs ! Hausse de 0,4% de l'action P.S.A. ou Alcatel ? les administrateurs espèrent 2182 licenciements plutôt que 2173 ! Chute ou hausse inattendue du yen à l'ouverture de la bourse de Tokyo ? Sans hésitation, nos éminences confirment que demain sera jour férié dans les Émirats, dès lors la production de pétrole risque de s'affaisser ! Sans oublier "les petits ajustements techniques", "les prises de participations", "les anticipations sur les bénéfices", "les ...", qui tour à tour servent de prétexte à leur ignorance. Dans ce loto du fric des spéculateurs de tout acabit, où règne l'irrationnel, où les ambitions de chaque joueur n'espèrent que des profits plus substantiels, nos petits savants se doivent de présenter les stratégies logiques. Lesquelles ? Celles que leur vanité les conduit à inventer, pour se persuader de leurs savoirs.

Ces maîtres-es-palais-Brongniart sont les Diafiorus du monde moderne. Ils ressemblent étrangement à la Toinette de Molière qui péremptoirement pour ridiculiser les docteurs ignorants affirmait que tous les maux de son malade imaginaire relevaient du poumon !
A quand leur profil bas ? En dépit de leur science, aucun n'avait prévu l'échec, aucun n'avait subodoré la crise brutale des subprimes ou stocks-options, ni dénoncé les produits financiers frelatés...

En cette période de voeux, souhaitons-nous qu'un Molière du XXIème siècle écrive une grande comédie où les petits marquis de la finance et les Diafoirus de la Bourse seraient emportés, par le rire, dans la dérision et le ridicule.

Zarafouchtra

mercredi 14 janvier 2009

Pendant l'hiver, la plage.

Depuis la rentrée de septembre, le cinéma nous a offert quelques unes de ses bonnes créations ; de celles qui passent un peu inaperçues ou en tout cas trop vite car une semaine de promotion a déjà chassé l'autre, avant que le spectateur n'ait eu le temps d'acheter son billet ! Mais aussi de celles que, dans quelques années, repassant sur les grands ou petits écrans, les critiques nous diront comme souvent : "un bon petit film qui n'a pas trouvé son public lors de sa sortie" ou encore "bien meilleure que ce qu'en avait dit la presse à l'époque" !

Chefs d'oeuvre ? Certes pas tous, mais toujours intéressants par un regard, une atmosphère, un angle de vue, un rythme ...

Au hasard des images encore en tête. Le premier jour du reste de ta vie, bien tricoté avec la sensibilité raffinée de J. Gamblin et Zabou Breitman. Le silence de Lorna, des frères Dardenne, impressionnant par l'univers sordide de ceux qui ne peuvent survivre que par l'immigration. L'honorable reconstitution des espoirs et des craintes des gens simples et vrais du Front Populaire, par G. Jugnot dans Faubourg 36. La juste restitution du paradoxe Coluche, dans l'hisoire d'un mec, écartelé entre la sincérité de la dérision et les exigences d'une prise de pouvoir ; au point de jeter l'éponge et les gants de boxe qu'il chaussait pour jouer sur son violon l'évanescent "temps des cerises" !

Beauté cruelle que Le monde moderne de Depardon ! Belle vie de gens pauvres mais pas de pauvres gens ! Puis en écho, bien que sans ressemblance, un regard autre sur Les grandes personnes, tenu à bout de bras par le subtil Jean-Pierre Daroussin. Aux antipodes, se situe le film raffiné de Pascal Thomas, Le crime est notre affaire. Et c'est tellement l'affaire de son duo Catherine Frot/André Dussolier, charmant, charmeur, bref délicieux, que ... mon petit doigt me dit qu'il reviendra, sans tarder.

Entre les murs, lieu de débat et de combat entre un prof et ses élèves, m'a semblé plus un moment sociologique qu'une création artistique originale. Il s'inscrira dans cette lignée des palmes d'or qui portent témoignage d'une époque et de ses interrogations. De la classe aux Bureaux de Dieu, on passe à d'autres huis-clos, avec ses drames poignants, intimes, confrontés aux tabous d'une société prétendue sans tabou.

Quelques autres titres pourraient compléter cette collection d'automne, mais quoi de plus jubilatoire que les Plages d'Agnès ? Agnès Varda bien sûr, photographe et réalisatrice de 80 ans, jeune et fraîche d'esprit pour évoquer toute une vie d'artiste. Autoportrait sans autosuffisance. Son film enjoué, surprenant, décalé est scandé par les plages qu'elle a aimées, parcourues, filmées ou photographiées. Et quels cadrages, quelles lumières, quel art de la peinture et de la mise en scène ! Du soleil en hiver : "une pure merveille" selon un journaliste de Marianne. "Un chef-d'oeuvre au sens noble et artisanal du terme. Avec sa poésie rieuse et son humour baroudeur, Agnès sait inventer, se réinventer comme seuls les grands magiciens savent le faire." Paris-Match

Quoi de plus vrai ! A consommer sans modération.

Zarafouchtra