mardi 5 mai 2009

Balades en Balagne ...


Une nouvelle fois nous avons sillonné la Balagne, cette belle terre de Corse où les rochers, la mer, les fleurs, la neige des paysages de montagne s'entremêlent au printemps.

La parcourir à pied ou V.T.T. est un bonheur ; il y a tant de coins et recoins, des montées et des descentes, des sentiers de littoral ou des routes escarpées, des résineux et des feuillus, des villages nichés sur les coteaux, des églises, des clochers, des oliviers tout juste plantés et d'autres centenaires.

Tout cela c'est la Corse, avec ses gens, comme partout, ombrageux parfois, chaleureux si souvent.

Alors, pour le plaisir, un petit florilège du plus bel effet :

la mer, les plages, les rochers, les couleurs magnifiques et variées



les fleurs multicolores aux senteurs fortes et récurrentes


les églises, leurs décors baroques, leurs clochers souvent restaurés, qui témoignent de l'histoire, des croyances, de la foi enracinée au cœur


les espaces de verdure, de fraicheur, d'agrément, où plane souvent une atmosphère de repos, d'intériorité ou de spiritualité

Et s'il arrive que l'on trébuche et que l'on se brise sur un rocher malveillant, seule la fatalité peut être incriminée ; ce coin de terre, beau et paisible, demeure et demeurera un puissant réconfort.


vendredi 3 avril 2009

En passant par Lyon


C'était il y a quinze jours ; une brève mais agréable escapade lyonnaise, pour le plaisir de revisiter des lieux, des senteurs, des amis, des souvenirs ... Retrouvailles avec les bords du Rhône que tant de lyonnais se plaisent à parcourir ; retrouvailles avec les quais de Saône où nous aimons flâner parmi les créateurs d'art le dimanche matin ; sans négliger les lieux plus fréquentés, plus bruyants et agités où les enseignes et les marques commerciales se télescopent.


Côté souvenirs, quel charme de retraverser le parc de la Tête d'or, un matin de fin d'hiver, avec un franc soleil bien qu'insuffisant pour faire oublier la fraîcheur de la bise. Alors, pour se réchauffer, il suffit d'aller voir et revoir les grandes serres, où s'épanouissent les camélias, les azalées, les cyclamens et bien d'autres fleurs aux vives couleurs. Jusqu'à la serre de Madagascar où les plantes tropicales s'égayent dans la moiteur du jour : cactus géants, aloés, euphorbes fleuries au milieu de tant d'autres feuilles zébrées que je ne sais plus nommer.

Et puis pour clore l'échappée, nous étions venus entendre un des chefs-d'oeuvre baroques de Haendel, en l'église de Vaise ; travaillé avec patience et rendu joliment par l'Ensemble Vocal de Bernadette, accompagné de l'orchestre des Indes Galantes : Israël en Egypte. Ce fut deux heures ravissantes. Un livret de l'histoire ancienne, un écho lourd dans l'histoire d'aujourd'hui.

Mais la nuit fut moins sereine ...

jeudi 19 mars 2009

Séraphine


Je n'avais pu voir la projection de ce film à sa sortie, j'attendais avec un plaisir impatient sa reprogrammation. Ce fut récemment, juste après la cérémonie des César qui l'a distingué avec bonheur.

Méritait-il l'honneur du meilleur costume ? du meilleur décor ? de la meilleure musique ? du meilleur scénario original, alors qu'il retrace une vie ordinaire ? La formule même de ces récompenses rend possible un injuste oubli autant qu'une vénération excessive ! Mais les César du meilleur film, de la photo et surtout de la meilleure interprète féminine ne sont pas usurpés, tant Yolande Moreau éclabousse de sa classe cette oeuvre magnifique.

Qui était cette Séraphine Louis, peintre ignorée, méprisée, pendant une grande partie de sa vie ? Yolande lui donne un visage, une allure, un talent si justes que l'on ne peut imaginer autrement la vérité historique. Devenue Louise de Senlis, une fois reconnue dans ses créations personnelles, une fois dépassée la prétendue naïveté de son art, cette femme obtint quelque place dans l'histoire picturale du 20e siècle. Mais il fallut du temps ; l'exposition qui lui fut consacrée à Paris ne date que de l'automne dernier ! Mais est-ce l'actualité du film qui a activé cette mise au grand jour ?

A travers la gaucherie, la modestie, la pauvreté extérieure de Louise, transparaissent sa majesté, sa fierté intérieure. Ses oeuvres s'enracinent dans son travail de ménage quotidien, dans son acharnement pictural nocturne, dans ses espoirs avortés de gloire. Dans son mysticisme ou encore dans le glissement progressif vers la folie : "créatrice illuminée" dit-on.

Loin des canons de la beauté des magazines, Mme Moreau rend à cette artiste, dans le film de Martin Provost, une beauté plus belle que toutes les images du monde. Loin des photos glacées et retouchées. Une des plus belles actrices de notre cinéma, qui ne manque ni de finesse, ni d'humour, ni de talent. Chapeau YoYo !

ci-dessus : L'arbre de vie - Séraphine de Senlis


samedi 14 mars 2009

Vertige de l'amour ?



"Un jour je sourirai moins

Jusqu'au jour où je ne sourirai plus

Un jour je parlerai moins
Jusqu'au jour où je parlerai plus".
(Album "Bleu Pétrole" - texte de Gaëtan Roussel)

Ce jour annoncé -et ardemment repoussé- ce fut aujourd'hui pour Bashung. Sa "petite entreprise" vient de connaître la crise et tous les résidents de la République lui ont rendu un hommage mérité. Au contraire de certains artistes que l'on découvre et célèbre à leur mort, Bashung a été reconnu dans le monde de l'art de la chanson. Récemment encore trois Victoires de la musique en ont fait le champion français de ces trophées. Son combat contre le cancer donna-t-il une prime à l'émotion ? Peu importe, son talent était si flagrant que rien ne peut entacher sa reconnaissance.

Son Bleu pétrole, chanté avec tant d'énergie lors de ses concerts de l'année, s'est répandu en marée noire. Noire, comme la scène de spectacle du Creusot où nous le vîmes en novembre, illuminé de spots d'espoirs ; noire comme le chapeau qui dérobait sa chute de cheveux, comme ses lunettes qui masquaient ses larmes de douleur. Il avait la pudeur des gens courageux, la force des résistants et ses chants en étaient plus beaux. Quelques gestes sobres, pour lui qui ne pouvait plus faire rouler les rocks, une voie grave -de celle qui a atteint la plénitude-, des mots chargés de sens, double sens souvent, car rien de ce qu'il disait ou chantait ne pouvait ignorer son expérience humaine.

Vertige de la mort contre "vertige de l'amour". Lui qui chantait "j'ai des doutes sur la notion de longévité", désormais "il voyage en solitaire". Pour l'éternité ?

Et chez nous, ses mots et ses rythmes, ses balancements et ses sonorités, ses amours et ses déchirures, sa douleur et ses espoirs, tournent en boucle pour estomper l'amertume du jour.

mardi 10 février 2009

Errance vers Santiago


J'en avais lu le manuscrit l'an dernier, reçu pour "avis et suggestions" avant retouches et mise au point définitive, selon une déjà vieille habitude entre nous. J'en avais conservé un sentiment mitigé ; une poésie minimale, vivante, mais trop hors contexte, désincarnée pour susciter mon enthousiasme. (1)

Récemment j'ai pu lire, parcourir, feuilleter à loisir le livre sorti en librairie : "Voyage à Compostelle" (2) de Jean-Claude Barbier (3). Un monde entre les deux documents ! Le premier, jeune, texte brut, austère, âpre, tannique certes mais sans corps ni éclat. Le second moelleux, gouleyant, élégant, empreint de territoires, de saveurs, d'odeurs, de fleurs et de pierres... Les mêmes petits poèmes qui semblaient courts et secs, sans couleurs ni profondeurs, simple imitation des haïkus japonais (4), sont devenus à chaque page des pépites dans des écrins impressionnistes. Impressions soleil couchant, puisque l'itinéraire s'étire lentement de l'est à l'ouest, tout au long des 1500 km de marche, allant en 55 étapes d'Arles à Saint-Jacques de Compostelle. (automne 2006). Ce "livre-promenade" est un pêle-mêle d'observations, de regards sur les choses, de rencontres, au gré des accidents du voyage, des sensations intimes, des réflexions de ce "pèlerin de la poésie", comme il se dénomme.

Un an d'affinage en cave, de vieillissement en fût de chêne ? Les épices et autres condiments ajoutés ont changé la nature du mets. En vrac : l'ouverture -comme l'on dit d'un opéra- écrite pour donner le sens et la lumière, le découpage d'étapes aux tons variés et rappelés discrètement à chaque page, les photos choisies, choyées, pour dire plus qu'elles n'illustrent, les données locales et historiques qui enracinent les pensées dans une vérité de terroir, d'humanité séculaire. Et puis la mise en page, sobre et brillante, élégante, renouvelée page après page, où les poèmes irradient de tout leur sens. Comme des bonbons toujours renouvelés, ils explosent en bouche, salés, sucrés, poivrés, onctueux ou acidulés, légers et anecdotiques, réfléchis ou graves, cultivés, spirituels, personnels et intimes même. Bref un livre original et personnel, un beau livre, que chacun peut goûter à sa guise. : d'un coup, à la russe, comme pour ressentir l'effet d'un alcool fort ; à petites gorgées pour en savourer les harmonies fines. J'ai pratiqué les deux expériences. Chacune a son charme ; moi je préfère butiner, papillonner sur les mille fleurs que l'itinéraire offre à la dégustation, allant et venant, puis revenant parfois là où demeure un zeste de nectar.

Au hasard des lectures, j'ai parfois ressenti un vers au rythme heurté, regretté un mot moins bien sonnant, trébuché sur une pensée plus amère que douce, ou buté sur son plaisir à hisser le drapeau de "l'homme de peu de foi" sur un chemin sacré par l'Histoire... Mais ce n'est que brindilles perdues au cœur de tant de bouquets colorés et savoureux.

A consommer sans modération pour prolonger "ce grand festin de marche"(5). Vous reprendrez bien un petit chocolat ?
Zarafouchtra

(1) La version "blog" se trouve accessible par le lien actif, ci-dessous : "ma liste de Blogs" -colonne de gauche de GiroScope.
(2) Voyage à Compostelle d'un homme de peu de foi, Jean-Claude BARBIER, éditions Le Champ Bleu. [Il suffit de cliquer]
Pour commander, courriel à : jeanclaudebarbier@neuf.fr
(3) Jean-Claude BARBIER a déjà écrit une déjà longue collection d'ouvrages : contes et nouvelles, romans historique, récits de découvertes, guides, etc. Ancré dans les territoires qu'il aime découvrir et faire partager -notamment les Alpes de Haute-Provence- il sait particulièrement mêler réalité et imagination, technicité et poésie, histoire(s) et pays. Formé à la philosophie, il a su se déprendre d'elle, en oublier la dimension pédagogique ou pédante pour l'instiller dans des minuscules mais intéressantes réflexions que le lecteur peut s'approprier à son rythme. L'amitié qui nous lie remonte à nos années de lycée. Cela me vaut de recevoir de temps à autre un nouveau manuscrit qu'il propose à ma sagacité. Relecture, critiques, suggestions... C'est pour moi un plaisir, un honneur et pour lui -que sais-je ?- un écho, un test, une assurance ?
(4) Le choix littéraire est original : retranscrire ses impressions de pèlerin, sous forme de haïkus, mini textes de l'espace poétique japonais (forme brève, réduite à 3 versets, épanouie au 17e siècle) produits au gré des regards, rencontres, observations, incidents de voyage, réflexions de marcheur. Poème de l'ici et du maintenant.

(5) Robert Sabatier - Les noisettes sauvages.

lundi 9 février 2009

A chacun son Everest


Depuis des années je n'étais allé à Chalmazel, cette petite station de ski des monts du Forez, choyée par le Conseil Général. Jeudi dernier, avec Denis, nous y avons passé une belle journée ; cette semaine, le ski remplaçait le V.T.T., pour le plaisir de tracer de belles courbes et descendre les 2 ou 3 schuss proposés.

Du haut des pistes, juste sous le radar, un large panorama depuis la Limagne jusqu'aux balcons du Lyonnais. En regardant ainsi côté est, des souvenirs d'enfance remontent du plus profond. De la maison familiale, nous avions un regard direct sur ces sommets du Forez. Maman qui avait un attachement particulier pour la montagne, veillait sur ces hauteurs en vigile fidèle. "Il y avait encore de la neige sur Pierre-sur-Haute à la Saint Jean" me disait-elle à mon retour d'internat, en fin d'année scolaire. Pierre-sur-Haute, c'était notre montagne à nous, comme à Sallanches ils ont le Mont-Blanc ou en Provence le Ventoux. On l'aimait bien, c'était de là que venaient les premiers signes du printemps, mais aussi les nuages et les vents précurseurs des orages.

Alors venir skier sur ces pentes, même pour un jour de détente, c'était retrouver les lieux du regard maternel. Regard clos depuis déjà longtemps, mais qui ravivait des sensations, des plaisirs, des jeux, des chants qui ont traversé enfance et adolescence. Celles de mes frère et soeurs, cousins, cousines, voisins, amis... Presque de la nostalgie ! Ce sentiment inhabituel chez moi m'a envahi quelques instants. Est-ce l'âge qui m'invite à ce retour ?

Sur la piste ensoleillée, l'appel de la pente s'est fait plus fort. Denis est parti, j'ai enchaîné derrière lui, m'attachant à bien suivre sa trajectoire.
Arrivé au bas de la piste, le flash-back était oublié.
N'avais-je pas un peu rêvé ?

Zarafouchtra

samedi 7 février 2009

Salut les copains !


Je marchais dans la rue, depuis un assez long temps. Le soleil brillait mais réussissait à peine à élever la température au-dessus de zéro. Au moment où il se glissait dans l'interstice de deux immeubles, j'ai aperçu Aimé. Quelle surprise ! nous ne nous étions pas vus depuis des années. Copains d'enfance, nous avions seulement gardé le contact par son frère, Albert, de qui je suis resté proche. Une fois les retrouvailles passées, j'ai pu justement lui donner des nouvelles de son aîné ; nouvelles particulièrement fraîches, un courriel reçu du Canada hier venait de m'annoncer ses aventures au cœur des grands espaces boisés et sur des lacs gelés, par un froid de -32°. Aventurier en tout genre, il ne cessera pas de m'étonner.
Au hasard de quelle péripétie, ai-je perdu de vue Aimé ? Le temps de me le demander, j'entrevis Régis. Quelle journée de veine ! Une bonne poignée de mains comme pour réchauffer nos doigts glacés et un grand plaisir de se retrouver. Depuis l'île de Ré où nous avions partagé balades à vélo et découvertes, peu de contacts, hormis une fameuse soirée-soupe-aux-choux et quelques mails... Et Thérèse ? Et Madou ? et les enfants ? Il était inquiet de son père, opéré ce matin en urgence. Allô l'hôpital ? Pris dans le mouvement incessant de la circulation, je le laissais dès qu'il fut en communication. A bientôt pour de meilleures nouvelles !

J'en étais tout retourné, lorsque je butais sur trois pierres... Non, trois Pierre de mes connaissances. Pierre le bien nommé, lui qui n'a plus un cheveu sur le caillou, marchait d'un bon pas. Ensemble nos rencontres sont régulières, trois ou quatre fois l'an ; un fort passé vécu en commun et qui demeure encore vivace. Sans nostalgie, au contraire, avec la conviction de prolonger le plaisir. Le second, Pierre le grand ? Là ce fut sans forte surprise ; c'est un marcheur habitué des sentiers et forêts du Pilat ou du Haut Beaujolais. C'est là qu'à l'été dernier nous avions fait une agréable balade, accompagnés de Marie et Jean. Quant au dernier Pierre, il faisait partie de l'équipée qui avait sillonné l'île de Ré à l'automne dernier.
Presque suffoqué par de telles coïncidences, pour retrouver mon souffle, je cessais de marcher quelques instants. Et puis ce fut le tourbillon : Marie-Thé, Bernadette, André, Georges, Bernard, Marie-Hélène et bien d'autres encore arrivaient ; Marc même, lui qui était gravement malade il y a peu, protégé du froid par un superbe chapeau qui lui donnait de l'allure. Pour se réchauffer de temps à autre, certains chantaient quelques refrains ; l'air nous était connu, mais les paroles de circonstances nous échappaient. Alors battant le pavé, nous esquissions deux ou trois sautillements pour les accompagner. Je repris la marche de concert avec eux. Tous les copains, ceux d'hier, ceux d'aujourd'hui, étaient là...

"Tous ensemble, tous ensemble, ouais !" Nous étions tous à Saint-Etienne, cours Fauriel, au cœur de la manifestation du 29 janvier. Les copains de tant de contestation étaient encore présents. Comme l'hiver, l'indignation n'a rien perdu de sa vigueur. Une bonne marche, une bien belle matinée ... Devra-t-on se revoir bientôt ?

Zarafouchtra

mercredi 4 février 2009

1632 ... et toujours la même tentation.

1632 ?
C'est le nombre de pages que comportent les carnets secrets de la Ve République de Michèle Cotta. Journaliste d'abord puis présidente de la Haute Autorité de l'audiovisuel, elle a fait preuve d'une belle constance pour rédiger presque chaque jour ses notes et appréciations critiques. Depuis 1965, elle n'a eu de cesse de poursuivre de son assiduité le personnel politique, pour en obtenir le meilleur de ses secrets. Au gré des pages, ce sont notamment les portraits de Mitterrand, Pompidou, Giscard, Chirac, au milieu de dizaines d'autres qui ont marqué de leur empreinte la Ve République. Aucun ne manque, certains viennent et reviennent selon l'actualité. Un manège permanent, où la distance nécessaire à la déontologie se dispute à la sympathie, la complicité ; l'amitié même, bien que contenue, car l'auteur livre leurs secrets et très peu les siens.


Vrais ou faux secrets ? Si les enjeux d'alors leurs donnaient quelque profondeur, la réalité d'aujourd'hui les a largement éventés. Secrets de polichinelle que les trahisons de Chirac ! les ficelles tirées en coulisse des Garaud, Juillet et Cie ! les combats ou les coups bas tirés à vue dans tous les congrès socialistes !

Parmi mille choses que contiennent ces deux tomes, un énorme fil rouge, une volonté lancinante, récurrente des présidents successifs : avoir la main sur l'information. En dépit des intentions avouées ou de la morale affichée, ils sont dans l'illusion permanente que là est la clé de leur avenir. Ah ! si les journalistes, si la radio et la télé surtout rendaient mieux compte de leurs intentions, de leurs projets, la France s'en porterait mieux et les français leur rendraient spontanément grâce en les réélisant ... Et chacun de s'enferrer avec le même aveuglement.

De Gaulle, Pompidou, Giscard, tous ont recherché la servilité de la profession. Les premiers avec un ministère de l'information directement sous le contrôle du Premier Ministre ; Giscard, dans sa vision plus libérale, casse le monopole de l'O.R.T.F. au nom de son credo libéral, mais bénéficie encore du poids des institutions et des habitudes.

Pour Mitterrand, c'est plus complexe. Ses orientations prônant les radios libres et la liberté des médias, vont faciliter le pluralisme de la presse, des ondes et des images. Il n'oubliera pas néanmoins dès le début de son septennat de "soutenir le départ" de journalistes et animateurs des années 70 ! Puis il créera la Haute Autorité -confiée néanmoins à l'une de ses proches- comme marque de l'indépendance revendiquée.
Combien de fois Michèle Cotta évoque les conversations où Mitterrand, sans donner de strictes consignes, tente de circonscrire toute attitude qui pourrait lui devenir hostile ! Il joue ainsi au chat et à la souris, la laissant s'échapper sans la perdre du regard. Jusqu'au jour où, après des élections perdues, Chirac transformera cette institution pour la reprendre en mains.

Devenue Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (C.S.A.) cette institution fêtait ce 3 février ses 20 ans d'existence. J'allais lever mon verre pour saluer, si ce n'est l'indépendance, du moins une certaine autonomie... Patatras ! l'histoire, comme le prétendait Nietzsche, est bien un éternel recommencement. Le Parlement "dans sa grande sagesse" est en train d'adopter la loi sur l'audio-visuel qui redonne la main au Président-Tout-Puissant, sur toutes les nominations des chaînes TV et radios publiques. Et probable hasard des choses, ses meilleurs amis sont -"à l'insu de son plein gré"- les puissants patrons de groupes de presse et de communication.

Mais les journalistes sont-ils aisément disponibles ? La plupart savent que la liberté ne s'use que si l'on ne sert pas. Comme, dès ce jeudi 5 février, le Président s'invite dans les petites lucarnes pour "faire la pédagogie de la crise" face à des interrogateurs qu'il a choisis, y aura-t-il séance d'illusionnisme ou sursaut de liberté ?

Que de secrets, tentations ou tentatives, illustrations ou illusions, les Michèle Cotta de demain auront encore à raconter ; en 1632 pages ou plus ... si affinité !
Zarafouchtra

lundi 19 janvier 2009

Le jour où la pub s'est arrêtée...

Ça y est, la pub c’est fini sur la TV publique depuis quelques jours ! A 20h35 commencent les vraies émissions pour la plus grande satisfaction de tous, pour le divertissement intelligent, pour le « mieux-disant culturel » annoncé jadis avec fracas. Bref une TV de classe, après tant d’années de modèle berlusconien !
Il restait cependant à le vérifier. Samedi soir, par exemple, une soirée tranquille sans autre projet en tête. Eh bien oui, il n’y a plus de publicité après le J.T. Juste la météo, quelques annonces de programmes et plouf ! on plonge directement dans les émissions. Quel bonheur, moi qui suis plutôt publiphobe.

Quoi donc au programme du jour ? Patrick Sébastien et son Grand Cabaret. Exceptée l’impression de déjà vu, puisque l’émission s’affiche mensuellement depuis plus de 10 ans, j’apprécie plutôt les numéros où les acrobates et magiciens, venus de tous les coins du monde, sont réellement dignes d’être applaudis ! Entrecoupées de quelques mots plus sobres, enchaînées sans les digressions habituelles et les plaisanteries ( !) de l’animateur, débarrassées des rengaines douteuses du tutti final, les séquences-spectacles pourraient donner de l’élégance à l’émission.
Mais pourquoi diable, le concept d’émission –comme l’on dit désormais dans les médias– n’a-t-il pas évolué ? Hier j’ai tout compris : la publicité n’est plus là avant et après l’émission, elle l’envahit, elle la submerge, l'engloutit. Au lieu de nous libérer de celle-ci de temps en temps, on nous la déverse à gros bouillon en permanence. La belle arnaque, le revers de la bonne conscience de Sarkozy !
Mauvaise foi de ma part ? Probablement, diront certains ; mais voyons le détail. Douze invités, douze promos, douze "contrats" de publicité" !
Victoria Abril ? elle venait présenter un C.D., Michel Jonasz ? je ne sais plus quel DVD ; idem pour Natasha Saint-Pierre. Clara Morgane, une belle fille inconnue glosait sur son album nouveau-né ; les comédiens Henri Guibet et Christophe Guibet évoquaient leur tournée avec un spectacle en duo familial. Marie-Claude Pietragalla, la brillante danseuse présentait… quoi donc ? Patrick Bosso, un DVD de tournée ou quelque chose semblable. La chanteuse Elsa venait de sortir un album CD sous son vrai nom Lunghini –nouveauté oblige !- Enfin, Jean-Luc Lemoine ? le Dvd de son one-man-show peut-être. J’aurais dû prendre des notes... Quoi d’autres ? Rien ne leur fut demandé, sauf de présenter le numéro de cabaret suivant, maintes fois entrecoupé des commentaires intempestifs de Sébastien - mystère de l’ego !

Je me suis alors dit : « malchance, tu es tombé par sur une rediffusion, une-du-temps-avant-la-fin–de-la-pub ! "
Sitôt pensé, sitôt vérifié. J’ai laissé venir l’émission suivante. Laurent Ruquier nous annonça qu’il ne fera pas ce soir la pub de Martine Aubry, ni de Carla Bruni-Sarkozy, ni celle de … Parfait ? Pas si vite. On passa à ses invités. La fantaisiste Florence Foresti était là pour parler de sa tournée, l’écrivain Philippe Besson trouvait excellent son dernier roman, Michel Fugain se laissait faire la promo de son autobiographie ! Je ne vous dis pas mon humeur. Enfin, peut-être Alain Duhamel nous offrirait-il une analyse d’actualité dont il a le secret ? Vous n’y pensez pas : arrive sans tarder la pub pour son essai « La marche consulaire » une comparaison entre Bonaparte et Nicolas Sarkozy. Qu’allait nous vendre Anne Hidalgo, le bras droit de Delanoë à la mairie de Paris ?
Malheur, je ne saurai jamais. J’ai éteint exténué, écrasé de fatigue sous tant de pub déguisée. Allez, je rallumerai quand les députés remettront la pub sur le service public. Putain de service !
Zarafouchtra

vendredi 16 janvier 2009

Les docteurs imaginaires de la finance

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Pourquoi ai-je gardé un souvenir impérissable du "Malade imaginaire" de Molière ? Sans doute parce que j'ai vu la pièce alors que j'étais encore très jeune. Plus certainement encore parce que Jean Dasté en était l'immense acteur principal.

Depuis des années, mais encore plus fortement depuis la crise financière de l'automne, je pense à cette comédie-là, lorsque j'entends les experts de l'économie et de la bourse expliquer les oscillations du C.A.C. 40, de l'euro ou du dollar. Chute de 3% du cours de la bourse ? l'attente des décisions de la F.E.D. ou la B.C.E. qui hésitent sur leurs taux directeurs ! Hausse de 0,4% de l'action P.S.A. ou Alcatel ? les administrateurs espèrent 2182 licenciements plutôt que 2173 ! Chute ou hausse inattendue du yen à l'ouverture de la bourse de Tokyo ? Sans hésitation, nos éminences confirment que demain sera jour férié dans les Émirats, dès lors la production de pétrole risque de s'affaisser ! Sans oublier "les petits ajustements techniques", "les prises de participations", "les anticipations sur les bénéfices", "les ...", qui tour à tour servent de prétexte à leur ignorance. Dans ce loto du fric des spéculateurs de tout acabit, où règne l'irrationnel, où les ambitions de chaque joueur n'espèrent que des profits plus substantiels, nos petits savants se doivent de présenter les stratégies logiques. Lesquelles ? Celles que leur vanité les conduit à inventer, pour se persuader de leurs savoirs.

Ces maîtres-es-palais-Brongniart sont les Diafiorus du monde moderne. Ils ressemblent étrangement à la Toinette de Molière qui péremptoirement pour ridiculiser les docteurs ignorants affirmait que tous les maux de son malade imaginaire relevaient du poumon !
A quand leur profil bas ? En dépit de leur science, aucun n'avait prévu l'échec, aucun n'avait subodoré la crise brutale des subprimes ou stocks-options, ni dénoncé les produits financiers frelatés...

En cette période de voeux, souhaitons-nous qu'un Molière du XXIème siècle écrive une grande comédie où les petits marquis de la finance et les Diafoirus de la Bourse seraient emportés, par le rire, dans la dérision et le ridicule.

Zarafouchtra

mercredi 14 janvier 2009

Pendant l'hiver, la plage.

Depuis la rentrée de septembre, le cinéma nous a offert quelques unes de ses bonnes créations ; de celles qui passent un peu inaperçues ou en tout cas trop vite car une semaine de promotion a déjà chassé l'autre, avant que le spectateur n'ait eu le temps d'acheter son billet ! Mais aussi de celles que, dans quelques années, repassant sur les grands ou petits écrans, les critiques nous diront comme souvent : "un bon petit film qui n'a pas trouvé son public lors de sa sortie" ou encore "bien meilleure que ce qu'en avait dit la presse à l'époque" !

Chefs d'oeuvre ? Certes pas tous, mais toujours intéressants par un regard, une atmosphère, un angle de vue, un rythme ...

Au hasard des images encore en tête. Le premier jour du reste de ta vie, bien tricoté avec la sensibilité raffinée de J. Gamblin et Zabou Breitman. Le silence de Lorna, des frères Dardenne, impressionnant par l'univers sordide de ceux qui ne peuvent survivre que par l'immigration. L'honorable reconstitution des espoirs et des craintes des gens simples et vrais du Front Populaire, par G. Jugnot dans Faubourg 36. La juste restitution du paradoxe Coluche, dans l'hisoire d'un mec, écartelé entre la sincérité de la dérision et les exigences d'une prise de pouvoir ; au point de jeter l'éponge et les gants de boxe qu'il chaussait pour jouer sur son violon l'évanescent "temps des cerises" !

Beauté cruelle que Le monde moderne de Depardon ! Belle vie de gens pauvres mais pas de pauvres gens ! Puis en écho, bien que sans ressemblance, un regard autre sur Les grandes personnes, tenu à bout de bras par le subtil Jean-Pierre Daroussin. Aux antipodes, se situe le film raffiné de Pascal Thomas, Le crime est notre affaire. Et c'est tellement l'affaire de son duo Catherine Frot/André Dussolier, charmant, charmeur, bref délicieux, que ... mon petit doigt me dit qu'il reviendra, sans tarder.

Entre les murs, lieu de débat et de combat entre un prof et ses élèves, m'a semblé plus un moment sociologique qu'une création artistique originale. Il s'inscrira dans cette lignée des palmes d'or qui portent témoignage d'une époque et de ses interrogations. De la classe aux Bureaux de Dieu, on passe à d'autres huis-clos, avec ses drames poignants, intimes, confrontés aux tabous d'une société prétendue sans tabou.

Quelques autres titres pourraient compléter cette collection d'automne, mais quoi de plus jubilatoire que les Plages d'Agnès ? Agnès Varda bien sûr, photographe et réalisatrice de 80 ans, jeune et fraîche d'esprit pour évoquer toute une vie d'artiste. Autoportrait sans autosuffisance. Son film enjoué, surprenant, décalé est scandé par les plages qu'elle a aimées, parcourues, filmées ou photographiées. Et quels cadrages, quelles lumières, quel art de la peinture et de la mise en scène ! Du soleil en hiver : "une pure merveille" selon un journaliste de Marianne. "Un chef-d'oeuvre au sens noble et artisanal du terme. Avec sa poésie rieuse et son humour baroudeur, Agnès sait inventer, se réinventer comme seuls les grands magiciens savent le faire." Paris-Match

Quoi de plus vrai ! A consommer sans modération.

Zarafouchtra