vendredi 8 août 2008

Le silence des anneaux ! Fiction ?

La veille de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Pékin, j'ai fait un rêve. Cauchemar ou prémonition ? Sottise ou vraisemblance ? A chacun de s'en faire juge.

La scène se passe dans la grande salle de réception du palais présidentiel de Pékin.
Le président Hu Jintao règle les derniers préparatifs de la cérémonie d'ouverture des J.O. Il porte sur ses épaules toute la fierté du plus grand pays du monde qui sera bientôt - et pour une quinzaine de jours- le point central de tous les regards. Cette nation souvent vilipendée, critiquée lors du passage de la flamme olympique, notamment dans quelques états libéraux de la vieille Europe, entend bien faire la démonstration de ses progrès économiques, sociaux, de sa démocratie, et notamment du respect effectif des droits fondamentaux dans son pays.
M. Hu Jintao vient déjà de rencontrer de nombreux chefs d'état, venus représenter leur pays à cette grand-messe de l'olympisme. Salutations, rencontres, diplomatie au plus haut niveau, dont se félicite le grand maître de la Chine, comme autant de récompenses pour les efforts accomplis et pour une plus grande reconnaissance de son poids dans la politique du monde. Avec une Chine ainsi célébrée, on n'est plus dans un monde d'affrontement Est-Ouest ou Nord-Sud ; on est déjà dans un monde multipolaire où ce nouveau leadership ne pourra plus être ignoré.
Pressé d'en finir avec ces formalités d'avant J.O., le Président chinois reçoit enfin -the last, but not the least ?- le président de la République française, M. Sarkozy, qui depuis des mois, non seulement avait laissé planer le doute sur sa présence, mais avait annoncé publiquement qu'il défendrait devant les autorités chinoises les droits de l'homme ; ceux des journalistes emprisonnés, des étudiants arrêtés, des manifestants interdits, des tibétains soumis et de bien d'autres encore tels les internautes empêchés de surfer à leur guise.
Après moultes courbettes et saluts réciproques [le président Sarkozy avait particulièrement étudié le protocole chinois, afin d'être le plus respectueux du raffinement de politesse apprécié en Chine, évitant notamment les bonnes tapes dans le dos dont il est coutumier], le président Hu Jintao prend la parole :

" - Soyez le bienvenu M. le Président de France ; la Chine est très honorée de votre présence, dont elle n'a d'ailleurs jamais douté...
- Je vous remercie de votre accueil si chaleureux. Mais vous recevez en ma personne le représentant des 27 états de l'Union Européenne dont je préside la destinée actuellement. J'en profite pour vous demander de bien vouloir excuser l'absence de Mme Merkel qui savait depuis 3 mois qu'elle serait souffrante aujourd'hui, ainsi que celle de M. Brown, qui devait ce matin conduire ses enfants à l'école
. Quant à ma Carlita chérie, elle n'a pu s'affranchir d'un rendez-vous dans un temple bouddhiste nouvellement inauguré en France. Pour ma part, dois-je vous dire que j'avais laissé longtemps planer le doute sur ma présence, juste pour me donner un peu de distance avec mes opposants habituels ? J'imagine que vous savez ce qu'il en est ...
- Bien sûr, bien sûr. Cependant, j'ai réellement craint pour la santé de vos entreprises, commerces et autres sociétés florissantes
françaises installées sur notre territoire ; en dépit de nos efforts, la conjoncture ne leur a pas été très ... favorable ce printemps ! c'est donc avec satisfaction que je constate que la France est toujours le pays de Descartes où la raison de l'essentiel l'emporte sur le risque de l'accessoire. N'est-ce pas ? dit-il dans un sourire non dissimulé
- Certes, entre gens raisonnables ... Néanmoins, M. le Président, je me suis engagé devant le très célèbre député européen des verts, M. Cohn Bendit, à discrètement vous transmettre ...
- Bien sûr, bien sûr. Comme je vous comprends,
reprend son interlocuteur. Les engagements sont les engagements, et il ne faut surtout pas y déroger. Voyez-vous, la Chine elle-même s'est engagée depuis l'an 2001 auprès du C.I.O. à respecter bien des choses. Notre bonne foi est totale, mais la liste en est si longue, que -une fois les J.O. terminés- nous aurons enfin le temps d'y travailler sérieusement. Les infrastructures sportives, les rénovations de quartiers entiers, les déplacements de populations, etc, etc, tout cela fut si lourd à gérer démocratiquement que nous n'avons pu faire face. Mais l'espoir est la philosophie du citoyen chinois, n'est-ce pas ?
- M. le Président, j'ai donc l'honneur de vous présenter -puis se tournant vers son secrétaire particulier : "M. Guéant, donnez-moi la liste de .... Comment vous l'avez oubliée dans l'avion ? Et pourtant, y a quelqu'un qui m'a dit que vous l'aviez encore" dit-il en chantonnant amèrement. S'il n'eût craint d'offusquer son interlocuteur, il en aurait ri jaune !
"- Ne vous inquiétez pas pour si peu, dit le président chinois. D'ailleurs, nous n'avons plus le temps de nous attarder à ces menus détails... La planète entière est déjà devant sa télévision ; elle nous attend pour la cérémonie."
Tout encore confus de ne pas avoir pu remplir sa mission, le président Sarkozy s'efforce de réprimander fermement, mais dignement ses collaborateurs. Tous des incapables ! Et avant même qu'il n'ait pu reprendre ses esprits, M. Hu Jinto s'approche à nouveau :
"- Tout cela est sans importance. J'allais moi-même oublier de vous transmettre la grande indignation de tout le peuple chinois devant l'interdiction faite à la manifestation des associations qui soutiennent les droits essentiels de vos immigrés ! Laissez ces pauvres gens "sans papiers" ? vous n'y pensez pas ! La France est-elle digne de son histoire en refusant cet exercice élémentaire du droit d'expression ? A votre place -mais je sais combien les opinions évoluent selon les cultures et les latitudes !- je lèverais aussitôt cet interdit qui ternira inévitablement votre image quand tout à l'heure les yeux du monde entier se poseront sur vous. J'ai tenu en effet à ce que vous soyez placé à mes côtés pour le plus grande gloire de la Chine nouvelle ... !
- Mais vous savez bien M. le Président ; ce n'est pas moi qui ai pris cette grave décision ; c'est Brice Hortefeux. Quand je vous dis : tous des incapables ! N'ayez crainte des ordres seront prochainement donnés pour mettre fin à cette grossière et sotte erreur."
Sur ces mots, les présidents s'éloignent l'un de l'autre, rejoignant leurs états-majors respectifs, juste avant d'aller inaugurer l'olympiade dans le célèbre "nid d'oiseaux". Et M. Sarkozy de téléphoner aussitôt à Dany le Rouge : "Ça y est, j'ai tout dit, les opposants, les journalistes, tout... Qu'est-ce qu'il a répondu ? Comme le titre de Libération de cette semaine, juste "le silence des anneaux". Puis de s'enfoncer dans un énorme éclat de rire.
C'est alors que je me suis réveillé ! Il était presque l'heure d'allumer la télé pour la retransmission. Place désormais au grand show de propagande, surveillé et formaté. "Quand la Chine s'éveillera..." : pour une fois Alain Peyrefitte avait raison.
Zarafouchtra

Le titre est tiré de la "Une" de Libération et de France-Soir du 31 juillet 2008.

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