mercredi 31 décembre 2008

Flâneries romaines

Il est temps, en ce dernier jour de 2008, d'évoquer les passionnantes "flâneries romaines" que nous avons effectuées à la fin du mois d'octobre.
Depuis plus de deux ans, ce voyage était prévu ; il restait à constituer le groupe, attendre la disponibilité d'un lieu hébergement et surtout celle de l'accompagnateur espéré !
On trouva aisément les 20 volontaires en partance ; certains se connaissaient bien, amis de longues années, d'autres se sont découverts peu avant l'avion ! Bernadette seule connaissait tout le monde et servit de point de convergence et de ralliement. Pierre, son frère, fin connaisseur d'art et d'histoire, de Rome et de ses trésors, habitué de la Trinité des Monts -ayant troqué ses étudiants pour une génération plus ancienne certes mais disponible - nous servit de guide sans relâche.

Le programme était copieux, les découvertes furent à la hauteur. Peu des grands sites romains, qu'ils soient chers à notre mémoire de jeunesse, à notre vie de citoyen ou à notre culture religieuse, bien peu disais-je nous furent épargnés, pour notre plus grand bonheur : temples, monuments de la Rome antique, nécropoles des premiers siècles, catacombes, fouilles, églises primitives, basiliques construites et recontruites au cours de l'histoire, mosaïques, sculptures ou musées, fontaines et places, façades, terrrasses et bien d'autres choses encore. Tout fut dévoilé, décrypté au regard des styles, des époques, des plaisirs et des connivences. Avec toujours le commentaire avisé, précis, sans jamais atteindre la limite de saturation, là où la fatigue et la fragilité se mêlent pour brouiller la mémoire.

Sans oublier d'ajouter le plaisir de la sympathie et de l'amitié progressant jour après jour : les repas à l'Auto-grill et les "gelati" partagés dans la rue, les pasti et les anti-pasti et, pour corser le tout, quelques épisode inattendus. N'est-ce pas Lisette perdue avant même le premier métro ? N'est-ce pas Jean accompagnant (ou devançant) ma course sur les escaliers de la Trinité, gamins comme aux plus beaux jours, prétextant l'arrivée des premières gouttes orageuses ?

Deux mois déjà... et les retrouvailles entre tous sont attendues avec impatience. Elles seront agréables, n'en doutons pas. Les photos ou autres souvenirs peupleront notre rencontre... Peut-être pas pour 45 ans, comme lors de ma première visite de Rome, mais pour les prochaines années, n'en doutons pas !

Pour une visite guidée plus complète, accès à l'album de photos de ce voyage par un simple clic sur "Amitiés romaines".

Zarafouchtra

jeudi 4 décembre 2008

La recette du vétété au Lubéron

Loin des escapades formatées et "tour-operatorisées", notre randonnée d'octobre dans le Lubéron est à classer dans la catégorie grande aventure ! En voici la recette, à réserver aux pratiquants initiés.

1ère étape - Prendre cinq copains (1), cinq vététés et cinq sacs à dos -petits ou gros !- que vous mélangez et faites mijoter 1 heure 45 dans le TGV. Rouler 45 km au sortir de la gare d'Avignon et s'engager sur la piste. Là, faire rissoler le tout, en plein cagnard, sur la pente à 12%, jusqu'à ce qu'une magistrale fringale en atteigne au moins un. Laisser reposer en mutualisant les forces afin que l'éclopé réussisse à vous dire "j'abandonne, et sans discussion !". Rigoler, sans vergogne, le temps nécessaire pour qu'il change d'avis. Regonfler deux ou trois fois. Poursuivre dans la superbe forêt de cèdres, pédalant en souplesse jusqu'au ravissement collectif. Descendre alors à travers les caillasses jusqu'au gite d'étape du mas Recaute où vous savourez une bière en laissant Roger draguer la marcheuse à feu doux. Ne pas oublier de sortir Maurice de l'examen de l'itinéraire, laisser Albert se marrer jusqu'à plus soif, mettre Claude sous la couette et éteindre la lumière jusqu'au chant du coq.

2e étape. Prolonger selon le même principe, après avoir vérifié le parcours. Eviter le G.R. et s’engager sur un chemin plus ou moins balisé ; s'informer auprès d'un autochtone et suivre la piste sans issue qu'il vous recommande. Grimper, pousser le vélo puis porter le vélo ; suer sang et eau, grimper encore de rocher en rocher à 15 ou 18% même. Insister lourdement, se griffer aux taillis et répéter à voix haute plusieurs fois : "elle est pas belle la vie ?!". Laisser le premier « dégonflé » renoncer et faire demi-tour. Lui dire tout de même "à ce soir au gîte". Poursuivre héroïquement, par une voie non explorée, la face nord-ouest du Mourre-Nègre et enfin reconnaître piteusement que votre vétété refuse de vous suivre. Ne pas abandonner sa monture, la suivre sur la descente jusqu'à la route et, en sifflotant pour donner le change, visiter les villages provençaux les plus pittoresques, les châteaux les plus anciens, les fontaines les plus fraîches. A l'arrivée au gîte de Vitroles-en-Lubéron, prendre un air dégagé pour faire partager vos découvertes touristiques, bien plus savoureuses que ce que l'organisateur avait imaginé.... Avant d'éteindre les lumières, rêver à la belle marinade du lendemain !

3e et 4e étapes. D'abord laisser la pluie tomber abondamment, violemment, longuement et laisser mariner vos illusions une grande partie de la journée. Faire les yeux doux à Marina, lui piquer sa bagnole et laisser votre boucher préféré vous mitonner une belle entrecôte, accompagnée d'un Chateau -neuf celui-là-... Reprogrammer Maurice pour un nouvel itinéraire et transpirer sous votre K-Way et autres toiles imperméables, pendant 42 km. Inutile de presser le rythme ; profiter de la pluie incessante pour visiter les villages. Redire dix fois, mais à voix basse, pour que Paul n'entende pas, "Elle est pas belle la vie ?!". Arriver au gîte, tenter d'accrocher ses vêtements sous le manteau de la cheminée. Voir Claude et Albert s'effondrer sur leur lit, les doigts de pieds en éventail. Heu-reux ! Au réveil, oublier Marina au profit d'Emmanuelle. Mais pour qu'une star chasse l'autre, chevaucher votre vétété des heures durant, lire et relire les cartes, être sûr du chemin mais se tromper, avancer et faire marche arrière, monter et descendre, mais surtout grimper. Ne pas oublier de saupoudrer d'un soupçon de mauvaise foi contre l'IGN qui réalise des cartes fausses, car les chemins montent toujours plus que ce qui est indiqué... Avant le coucher au gîte Saint-Hubert, mater Roger, superbe au sortir de la douche. Enfin rire sans modération.

5e étape. Avec un soupçon de culot, ne pas hésiter à crever sa roue arrière pour apercevoir l’ombre furtive d’Emmanuelle quelques instants encore, tandis que Roger écrase une larme sur sa joue. Désormais il suffit de suivre le grand braquet de Maurice, mijoté à la sauce « aujourd’hui, ça descend jusqu’à l’arrivée ! ». Au bas de la première combe, bien suivre le G.R. en remontant jusqu’aux crêtes à travers bois et cailloux. Avancer debout sur pédales ; en cas de perte d’équilibre ne pas relâcher le vélo qui pourrait descendre dans le ravin ! Profitant du soleil, porter à ébullition : au-delà de 65 ans, confier son sac ou sa monture à Roger. Si Maurice reste plongé perplexe dans ses cartes, ne pas hésiter à pimenter le parcours : perdre le sentier balisé et délaisser le chemin de crêtes ; plonger vers le ruisseau du bas, remonter et redescendre à plusieurs reprises. Pédaler ainsi jusqu’au râle ultime du plus contestataire du groupe ! Là, soit jouer la solidarité soit repasser par la case « engueulade ». Et dès que la route croise votre chemin, sans hésiter, foncer vers la gare de l’Isle-sur-Sorgues. Faire bonne figure, égoutter votre mauvaise fatigue et ajouter une pincée de sucre, pour tenir le coup jusqu’à Lyon. Au bar-terminus de la Part-Dieu : faire revenir aux petits oignons vos rigolades et plaisirs partagés, couper en fines lamelles vos meilleurs souvenirs, faire monter les blagues en neige puis laisser mousser fortement la bière avant de la déguster jusqu’à la goutte de l’adieu.

Mettre le couvercle pendant un an dans l'attente de la prochaine rando. Peaufiner un nouvel itinéraire, poivrer légèrement moins les dénivelés, puis laisser mijoter au four avant de servir à point. C'est meilleur réchauffé !

Double-clic posible sur chaque photo, pour l'agrandir.

(1) Si le sixième qui a préparé la randonnée est atteint d'une appendicite aiguë, vous le laissez à l'hôpital et vous partez à l'aveuglette, si possible même sans carte au 1/25000e !

mardi 25 novembre 2008

Un fait divers ? Changeons la loi ! - illustration-.


J'enrage depuis des années, mais en particulier depuis 2007, quand à la suite d'un fait divers grave, voire tragique, mais singulier, les politiques incriminent aussitôt l'inadéquation de la loi, pour proposer de la changer dans l'urgence !
C'est contraire à l'essence même de la loi, dont le but est, non pas de répondre au cas particulier, mais de servir le bien commun, l'intérêt général et de viser l'universel.
Cette pratique dévoyée relève de la gesticulation médiatique. But ? Montrer au bon peuple et aux victimes, que la puissance publique est vigilante, qu'elle ne laisse pas les crimes et délits impunis, que l'autorité et la sécurité ne cèderont pas devant le laxisme. Stratégie de la posture et de la bonne conscience.

Le drame du jeune étudiant grenoblois poignardé récemment par un malade schizophrène renvoie à cette catégorie. Le président de la République, selon le Monde (1) aussitôt "a promis un durcissement de la loi de 1990 sur les hospitalisations d'office, par la création d'un fichier et une restriction des libertés des patients". Que prescrira la loi ? Enfermer plus, plus longtemps ? Interdire les sorties, les mises à l'épreuve ? les réductions de peine ? Tout cela sans doute, ce qui entraînera d'autres conséquences malheureuses, d'autres drames. Déjà 25% des détenus en France souffrent de troubles psychiatriques, sans soins appropriés. Punir, encore punir !

"Foucault, réveille-toi, ils sont devenus fous"! Ce n'est pas une loi qui est urgente, mais une pensée, une perspective avec des solutions médicales, des pratiques sociales, psychologiques, associatives ; avec des mesures cohérentes, coordonnées, évolutives, tant pour les malades, les familles que pour les équipes soignantes. Bref repenser le problème dans sa globalité ; les attentes sont énormes, les besoins considérables et la pénurie complète.

Depuis une trentaine d'années, la maladie mentale est redevenue un tabou. Oubliés les fous, au risque de voir resurgir la tragédie comme à Pau, en 2004 ! Quant à la souffrance quotidienne des malades, de l'entourage, il est lui aussi nié, alors que chaque cas, chaque mort ou suicide est un cri d'alarme. Cri dérisoire que nul ne veut entendre.

Parmi ces cris au secours, un livre remarquable : "Histoire d'une schizophrénie - Jérémie, sa famille, la société" (2). L'auteur, Anne Poirée, décrit un voyage au coeur de la schizophrénie, à travers le regard d'une maman dont le fils est malade. Impuissante, ignorante de la maladie et des attitudes à adopter, désarmée face aux "psy" et leur mutisme, cette mère accompagne son fils avec amour et tendresse jusqu'à la mort. Histoire vraie. Authenticité de l'écrit. L'écrivaine raconte, réagit, dénonce l'incurie médicale et de la société qui préfère ignorer ses failles. Elle appelle à un autre système de soins, pour un autre regard, pour une autre organisation sociale. Le Docteur Olivier Louis, psychiatre et spécialiste de la schizophrénie, annote l'ouvrage et donne, comme dans une oeuvre musicale, un contre-point, un contre-chant qui tempère, précise, clarifie, reprend, non pour contredire mais pour compléter l'approche. A la subjectivité du récit, il ajoute l'objectivité de l'expertise.

D'autres réflexions de ce type existent, d'autres personnes notamment au sein d'associations, telles l'UNAFAM (3) ont compétence pour en parler. Il serait urgent que sur ce point le ministère amorce une démarche de réflexion, écoute l'ensemble des acteurs et définisse une politique cohérente de santé mentale pour la décennie à venir. Est-ce trop exiger ? Il est si simple de se contenter de "surveiller et punir".(4)

J'ai eu le plaisir de lire cet ouvrage dès son premier jet et même de suggérer à Anne Poiré -amie de longue date- des ajouts et des ajustements. Non sans quelque réticence, Anne a patiemment réécrit des pages, avec intelligence et finesse. J'ai apprécié le résultat final. Puisse-t-il être utile !
Sinon je continuerai à enrager ...

Zarafouchtra

(1) Le Monde du 20 novembre 2008 - Editorial et série d'articles sur la question.
(2) Editions Frison-Roche - juin 2008. Préface Jean Canneva.
Illustration de couverture Guallino, Fable du Chemin, 1989
(3) UNAFAM : Union Nationale des Amis et FAmilles des Malades psychiques.
(4) Allusion au titre du livre de Michel Foucault.- Editions Gallimard 1975.



dimanche 23 novembre 2008

Il y a longtemps que je ne t'aime plus...


Il y a quelques mois, j'avais intitulé un billet "Duel de charme", dans lequel j'évoquais les duos parfois acérés des actrices. Et de mentionner les Sandrine Bonnaire/Catherine Frot ou Kristin Scott-Thomas/Elsa Zylbertstein. [cf. l'article du 16.08.08] Pour le seul plaisir du cinéma.

Avec un peu d'imagination, j'aurais pu anticiper sur le combat frontal que se livrent, dans l'actualité, Martine Aubry et Ségolène Royal, pour la prise de pouvoir du P.S. Là, ni charme, ni cinéma ; au mieux une tragi-comédie, au pire un opéra-bouffe, orchestré, amplifié par les média dont le plaisir de la mise en scène est un pur ravissement. Ah, quel "Duo des chats" Rossini eût-il pu nous composer ? Car l'une prétend caresser quand l'autre griffe, l'une grimace quand l'autre sourit ; l'une incarne le progrès, l'autre l'avenir ! le changement sans rompre avec l'histoire, contre la fidélité au passé comme promesse du lendemain. Trahison prochaine vers le centre ou élection assurée avec le Centre ?
Laquelle est l'apparence, laquelle est la réalité ? Selon les schémas auxquels elles ont été nourris, la réalité visible n'est que l'écume des structures qui déterminent les faits et les consciences. Dès lors quel fond les habite l'une et l'autre ? Quel modèle les fascine ? Le mitterrandisme de congrès qui maniait superbement le verbe de gauche, ou le mitterrandisme de manœuvre qui choisissait Tapis contre Rocard ?

Le malheur est que ce combat n'ait pas été mené auparavant jusqu'au K.O. final. Depuis plusieurs années, le combattant précédent François de Tulle s'est mué en arbitre, se contentant de manager les uns et les autres à chaque round ; round européen, round présidentiel, round des motions sans synthèse sur le ring de Reims. Le débat démocratique, au lieu de trancher, s'est noyé dans l'irrésolution.

"Bonnet blanc, blanc bonnet". Aucune n'est celle que vous croyez. Aucune n'a le pouvoir de catalyse pour qu'une majorité de France puisse se reconnaître dans son élan. Alors deux scénarios : "Je t'aime, moi non plus" (1) et s'en est fini du P.S. - explosion assurée ; ou bien "Si je t'aime, prends garde à toi" (2) - et risque d'étouffement !

Coïncidence heureuse : le hasard de mes lectures m'avait récemment conduit aux "Cahiers secrets de la Ve République" de Michèle Cotta et au plaisir de revisiter l'histoire, y compris ses coups bas. Sans exclusive : Pompidou, Chaban Delmas, Giscard d'Estaing, Chirac, Pasqua ... tous tueurs ou tués selon les moments. Un pur régal. Sans oublier le maître, François Mitterrand, entrant au congrès constitutif du P.S. en 1971 (Epinay sur Seine) soutenu par seulement 10% des délégués (la Convention des Institutions Républicaines) et en sortant avec plus de 50% de votes. Un parfait hold-up de l'ex-SFIO ! Et une vraie arnaque, imposant désormais l'idée que les programmes valent plus que les hommes... Mais aujourd'hui en dépit d'une "Déclaration de Principes" (3) adoptée en avril par consensus, pas moins de six motions ont été présentées au vote ! Comme chez les Atrée, les conflits se transmettent de génération en génération ; les "cocus" d'Epinay sont les pères ou les frères de ceux de Reims !

Alors Ségolène Aubry ou Martine Royal ? La dame de cœur ou la dame de pique ? Qu'elles prétendent se tendre la main, elles sont condamnées à s'écharper. Et l'espoir des "petits lendemains qui chantent" est plombé pour longtemps..., à moins qu'un messie, François de Tulle par exemple -tel un Lionel de Ré naguère- ne revienne en 2012, revigoré par quelques années d'oubli ...

Le bon peuple de gauche pourrait-il y croire ? Trop tard ! il a déserté, tandis que l'on entend déjà s'aiguiser d'autres couteaux. Michèle Cotta ou ses collègues auront encore de beaux épisodes à nous conter.

Zarafouchtra

(1) : film de Serge Gainsbourg -1976. Titre repris par Maria de Medeiros en 2007.
(2) : film de Jeanne Labrune -1998.
(3) : "Déclaration de Principes" - 21 avril 2008
Clichés : d'après Ouest-France - 24.11.08



mercredi 19 novembre 2008

Belle île en Ré


"Belle Ile en Mer, Marie-Galante..."
. Cet air de Laurent Voulzy me vient en tête lorsque je pense à l'Ile de Ré. Voilà un petit coin de France que l'imagination transforme aisément en petit coin de paradis. Beaucoup seraient d'accord avec moi, et je ne pense pas aux agences immobilières ... Non je pense à ceux qui habitent cette île, qui l'habitent et la mettent en valeur. Vignerons, maraîchers, ostréiculteurs, conchyliculteurs, éclusiers à poissons, ou sauniers, tous cherchant à maintenir les savoir-faire traditionnels dans une économie moderne. Nous en avons rencontré qui ont su nous en dire leur passion. Des musées ou des hauts lieux nous en écrivent l'histoire

Nous avons parcouru ce petit territoire à pied parfois, à vélo surtout. Hormis sur quelques routes départementales, les voitures disparaissent. Là les pistes cyclables ne s'arrêtent pas à chaque carrefour, comme sur le continent ; elles prolongent la sérénité du lieu. Le vélo y est roi : vélos de toutes sortes, , cyclistes de tous styles. Cyclotouristes randonneurs, cyclosportifs multicolores, vététistes de tout acabit, vrais-faux coureurs, faux lyonnais en Vélib', vrais parisiens en Vélov". Où vont-ils ? où courent-ils ? Nul ne le sait. Ils s'entraînent, ils se traînent, ils s'époumonent, ils respirent l'iode et les embruns, les épineux, les épinards. Ils s'ensoleillent sans brûlure, ils se brûlent au plaisir de la mer qu'ils tentent d'apprivoiser.
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Une semaine de septembre, au soleil généreux et aux intempéries brèves mais revigorantes. Et puis de grands moments de camaraderie, d'amitié retrouvée, de plaisanteries, de vins gais, de chants et de jeux après l'ultime plonge quotidienne ! Un charme fou. Promis, on reviendra.

Zarafouchtra

Traversée du désert ?

Trois mois, jour pour jour, que s'est arrêté ce fil conducteur, ce paradoxal carnet intime transformé en "lecture pour tous".
Plusieurs de mes amis, lecteurs habituels, se sont étonnés de cette interruption inopinée, s'inquiétant pour ma santé ... intellectuelle, et me pressant de poursuivre mon cheminement, au gré de mes découvertes, voyages ou lectures. Tendance à la procrastination, ont pensé quelques autres qui ne manquaient ni de pertinence, ni d'humour.
La réalité est plus prosaïque : une panne de technologies une faille dans mon ordinateur et patatras ! tout est consommé, tout est consumé... Voilà bien la faiblesse de notre monde post-moderne, où sans batterie, sans connections diverses, sans progiciels multimédia, plus rien ne tourne rond. Le "vieux" P.C. encore en état de marge manquait hélas de capacités pour maintenir à jour ces messages réguliers avec images, liens ou diaporamas. Il est bien loin le temps où un crayon et un petit carnet de notes suffisaient pour transcrire ses réflexions jalousement gardées secrètes !
Plus simplement encore, il y eut depuis fin août de nombreux déplacements ou activités qui ont accaparé mon temps ou mon esprit, plus que je ne l'aurais souhaité ; en fait je me suis laissé accaparer "à l'insu de mon plein gré" comme disaient si justement les Guignols de l'info de notre cycliste n°1 d'alors.

Et puis, au-delà de la technique et de la disponibilité -ou au cœur de cela- s'est instillé le doute. Deux ou trois amis dont j'écoute avec attention les avis depuis des décennies ont su répandre le divin poison de la raison critique. "Un peu trop prof, dans le ton" ou "trop journalistique" pour l'un. "Un blog ? Quelle impudeur ! c'est de l'ego étalé ligne après ligne" dit l'autre. Quant au troisième il se gardait de tout conseil mais n'aurait pas regretté "une tonalité plus personnelle, plus singulière".
Trois remarques, trois conseils, trois axes dissonants sinon contradictoires. Soutien ou entrave ? J'ai résolu de poursuivre, sans perdre de vue désormais leur pertinence.

Alors n'est-il pas temps de reprendre pour repousser ces multiples raisons comme autant de prétextes ? Traversée de désert ? je ne sais. Catharsis, probablement ; les jours et semaines à venir le vérifieront peut-être.

Mais avant de résumer les épisodes précédents passés sous silence, juste un petit document-clin-d'oeil reçu hier par courriel. Une mise en bouche "avant la route". Ma fille venait de passr mon GiroPhare au crible d'un logiciel de mots pour en faire un pêle-mêle, une mosaïque de mots. Intéressant ? Original en tout cas. A observer en sociologue ? en linguiste pour dégager les champs lexicaux, les itérations, les impropriétés ou les tics d'écriture ? En psychanalyste pour y retrouver mes névroses ou mes obsessions ?



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A chacun de donner sens, s'il en est ; "chacun sa vérité" disait Pirandello.

Zarafouchtra

mercredi 20 août 2008

Trésors de Bourgogne


Au gré de nos pérégrinations estivales, encore une fois nous avons parcouru la Bourgogne du sud, pour une plongée dans l'histoire d'Autun, cette ville fortifiée dont le nom originel célèbre l'Auguste empereur du 1er s. avant J.C.
Chronologie oblige, histoire gallo-romaine d'abord : dans un cadre de verdure apaisant et accueillant, demeurent encore les vestiges du prestigieux théâtre antique aux 20 000 places, le plus grand espace de jeux construit par les romains en Gaule ! Aujourd'hui encore il peut contenir 12 000 spectateurs pour des spectacles qui, en été, font revivre les valeureux combats des Eduens révoltés.
Histoire romane ensuite, qu'illustre majestueusement la cathédrale Saint-Lazare, enjeu de rivalité avec Vézelay pour l'évêque d'alors. Mais de roman, il ne reste essentiellement que le tympan du portail central : ciselé en 1135, il témoigne du talent et de la foi de son auteur, notamment de la vitalité des pierres, de la finesse des attitudes, du plissé des vêtements de tous ces personnages aux yeux rivés sur la mandorle du Christ en gloire.

Puis c'est au musée Rollin que nous avons retrouvé l'ensemble des trésors conservés ; avec un petit faible cependant pour cette merveilleuse sculpture représentant la Tentation d'Eve, à la sensualité naturelle.

Mais à quelques dizaines de mètres, plus bas dans la rue, un bonheur de sculptures bien contemporaines celles-ci. La petite boutique de Marie-Noëlle Grange nous ouvre ses portes et son charme. Quelques moments sympathiques d'échange pour apprécier justement les gracieuses femmes de l'artiste : "les copines", "les insouciantes" et toutes les autres avec leurs rondeurs, leur finesse ; que de grâce dans l'art de la mise en scène !

A l'avance on se faisait un plaisir de traverser le parc naturel du Morvan. Hélas la fraicheur du temps et l'absence de lumière sous les branches nous ont conduit à aller voir plus loin. On est arrivés, non par hasard mais sans clair dessein, à Chateau-Chinon visiter le Musée du septennat ; musée créé pour rassembler les cadeaux offerts au Président Mitterrand lors de rencontres d'états ou de sommets diplomatiques. Ce fut une vraie surprise par le nombre et la qualité des œuvres exposées -ce que le citoyen de base n'imagine pas spontanément !-. Sans oublier l'intérêt architectural des espaces mis en jeu pour les salles exposant les cadeaux du second septennat.
Sans la polémique autour des diamants de Bokassa remis au président Giscard d'Estaing, ce musée aurait-il vu le jour ? En tout cas, n'est-ce pas normal de remettre à la disposition des français ce qui fut offert au premier d'entre eux dans l'exercice de ses mandats ? François Mitterrand le pensait ainsi ; il l'écrit même, sans oublier au passage de nous gratifier d'un subjectif imparfait, certes suranné mais si voluptueux.

Zarafouchtra

samedi 16 août 2008

Duels de charme

Les jeux olympiques nous ramènent aux temps anciens, au temps où les combats à l'épée réglaient les différends sur le pré, pour laver un honneur ou effacer un affront. Richelieu en interdit l'usage, "au nom du principe de précaution" dirait-on aujourd'hui : bien trop de jeunes nobles y perdaient la vie ou leur intégrité physique ! Il ne nous reste plus que les duels sportifs pour symboliquement braver l'interdit, défier l'adversaire, au seul risque de gagner ou de perdre une médaille. Le "socialement correct" a écarté de nos vies la violence, la vengeance immédiate. Seuls les Laura Flessel, Fabrice Jeannet (1) et quelques uns de leurs coéquipiers ont le droit de se donner en spectacle dans des duels ritualisés.

Est-ce si sûr ? Les créations artistiques conservent encore ce droit à l'exutoire des passions, pour nous purger par catharsis de nos pulsions et désirs violents. Le cinéma en particulier m'incite à ce rapprochement. Est-ce légitime ? Qu'importe, il est spontané.

J'ai eu soudain en mémoire deux films -l'un récent, l'autre vu il y a quelques mois- qui nous placent au coeur de conflits quotidiens ; certes sous des formes diverses selon les séquences (ignorance, affrontement physique ou verbal, mépris, oubli, fascination, etc.) mais qui conduisent à d'analogues confrontations de personnages. Duos d'actrices en fait, duels de charme évidemment.

D'abord, le film de Philippe Claudel, tiré de son roman "Il y a longtemps que je t'aime" qui met face à face deux femmes, deux sœurs Juliette et Léa, que le destin a éloignées pendant des années. Qu'ont-elles à se dire ? Rien : trop de secrets, trop de ressentiment les sépare. Leur rapprochement inopiné les conduit à se méprendre, s'affronter, avant de s'apprivoiser, se dévoiler, se comprendre et même s'aimer. En garde ! attaques, parades, rispostes, jusqu'à l'accolade finale : toute la panoplie du combat est là, parfois vif, parfois moucheté. Et les actrices sont de fines lames, sous le regard de l'entourage, mari et enfants, jouant les comparses, les admirateurs ou les spectateurs. Christin Scott Thomas et Elsa Zylberstein, les héroïnes, s'affrontent dans la rudesse des souvenirs, puis se retrouvent dans la vérité des sentiments. Délicatesse, présence discrète et émouvante, humanité, tout pour conduire à des retrouvailles inespérées après l'assaut final. Du grand art.

Et puis hier, "L'empreinte de l'ange", le film de Saffy Nebbou, vu un peu par hasard, au bénéfice d'un jour de quinze-août à la météo médiocre. Même configuration : la famille, les enfants, les soucis -divorce, déménagement- bref la vie qui permet des rencontres inattendues. Un regard d'enfant d'abord, une intuition, puis une recherche patiente et c'est bien vite une rencontre surprise entre deux mères. Par enfants interposés, le duo prend forme. Pressentiment ? inquiétude ? angoisse ? névrose ? folie même ? la confrontation s'installe ; l'une dégaine, dans sa quête de vérité, l'autre embroche, par souci de protection. Elsa fantasme, Claire imagine le pire. Le duo devient duel avec une agressivité montant de part et d'autre jusqu'au "face à face animal", selon les mots du synopsis, conduisant au paroxysme. Ici l'intime conviction devient certitude, là le secret s'expulse inévitablement en aveu libérateur. Les enfants en connaîtront inévitablement les conséquences, mais les duellistes sauront se reconnaître mutuellement. Catherine Frot et Sandrine Bonnaire, magnifiques, sont ces combattantes douces et farouches, fines et frustes, belles et inquiétantes, selon les assauts. Mères aimantes et mères cruelles à la fois, qui jouent l'engagement jusqu'à l'estocade finale.

Et nous spectateurs qui avons aussi donné l'assaut par actrices interposées, parfois dans un camp, parfois dans l'autre, avons besoin de reprendre souffle après la mêlée. La réalité peut reprendre ses droits devant la fiction, mais nous n'en sortons pas indemmes. Dans les deux manches de ce combat, les motifs et les motivations s'enracinent au plus profond du vécu des êtres, dans la chair de la chair, dans le fond de la mémoire, à la frontière du conscient et de l'inconscient. Nous, nous sommes touchés au coeur. Et pas même une médaille pour consolation..., il faudra du temps pour cicatriser la douleur de l'émotion.
Zarafouchtra

(1) Laura Flessel et Fabrice Jeannet : célèbres escrimeurs de l'équipe olympique française.

vendredi 15 août 2008

Un (grand) homme peut en cacher un (petit) autre

Trop vite une actualité chasse l'autre... Retour arrière sur Alexandre le Grand, lauréat du prix Nobel de littérature. Il était de la lignée des chênes que l'on n'abat pas ! ni par le Goulag, ni par l'exil, ni par le dénigrement. Sauvé par l'écriture et les manuscrits secrètement conservés, maintenu en résistance par un élan irrépressible de justice et de vérité, soutenu par la reconnaissance littéraire, déraciné puis replanté au cœur de son jardin russe après 1989, Alexandre Soljénitsyne vient seulement de céder devant l'âge et la maladie. Bien des hommages lui ont été rendus ; hommage à l'homme courageux comme à l'immense écrivain digne des Tolstoï ou Dostoïevski. Hommage à ce héraut dont le cri, lancé contre la perversion de l'idée de communisme et sa dégradation en système totalitaire, a été enfin entendu, jusqu'au point où les murs, érigés entre les états et entre les hommes, se sont effondrés. Certes, d'autres avant lui surent dénoncer cette faille radicale et éclairer quelques esprits lucides (1) ; lui fut largement entendu, grâce sans doute à la puissance de son talent littéraire. Dès 1962, la parution de son petit chef d'œuvre qu'est "Une journée d'Ivan Denissovich" (Folio) avait tout révélé ; certains esprits furent ébranlés, mais la fiction romanesque de l'ouvrage avait pu laisser croire à d'autres que la réalité n'était pas celle-là. "L'archipel du Goulag" -publié entre 1973 et 1976 selon les éditions et les traductions-, a enfin dessillé les yeux de ceux qui rêvaient encore du grand soir. Désormais l'empire soviétique s'est écroulé et Pékin s'est accommodé de l'élan libéral sans renoncer pour autant à l'autocratie répressive. Hormis dans quelques états en résistance aveugle, l'idéal du 20e siècle n'est plus qu'une illusion passée (2)
Dans ce concert d'analyses notant le rôle irremplaçable de Soljénitsyne, une petite musique de sottise s'est fait entendre. Celle d'un sénateur français, plutôt coutumier du fait, l'inénarrable Jean-Luc MELANCHON (3) ! Prendre de la distance, refuser les regards béats, voilà qui est sain ; ne pas bêler avec les autres moutons est signe de lucidité. Mais nier le talent littéraire de Soljénitsyne pour avoir retrouvé son âme russe, le mépriser pour quelques jugements de vieil homme sur les mœurs ou pour les modes de vie, c'est prendre l'accessoire pour l'essentiel, c'est mêler les faits avec la mythologie, confondre la dénonciation salutaire de la dictature léniniste avec quelques appréciations douteuses voire réactionnaires. Au regard du progrès de l'histoire qu'il a permis, que peuvent bien valoir les critiques portées à l'encontre de ce géant -fussent-elles légitimes- ? Hélas, notre politicien de "gauche" croit toujours que le réel de l'humanité pourrait coïncider avec son rêve, tandis que le souffle du socialisme utopique n'a jamais su produire qu'un irrespirable socialisme réel .

Cette attitude témoigne qu'en dépit des Soljénitsyne, Sakharov et autres "dissidents", il demeure en 2008 des aveuglements purement idéologiques. A sa manière "notre" sénateur reproduit 35 ans plus tard l'analyse des Marchais ou Kanapa (PCF) prétendant que l'écrivain russe n'est que l'instrument de l'ennemi de classe (4). Ne lisait-on pas dans l'Humanité du 31.12.1973 que l'affaire Soljénitsyne relève d'"une vaste campagne antisoviétique dont l'objectif est invariable : faire oublier la crise en France et mentir sur la réalité des pays socialistes" ?
L'histoire bégaie ? Peut-être... En tout cas elle exige une autre perspective et ce n'est pas avec de tels politiciens que les partis progressistes d'aujourd'hui pourront recréer de l'espoir. La relecture des ouvrages majeurs de ce grand Alexandre continuera à nous convaincre que le destin de l'homme est de construire la paix dans la justice et la liberté, fût-ce une gageure absolue. Sous prétexte de reconnaissance de la différence, il ne faudrait pas confondre les grands et les petits. Dans la forêt des bâtisseurs qui travaillaient à un devenir meilleur, un grand Homme en cachait un petit ; Alexandre versus Jean-Luc. Il serait dommageable pour l'humanité que l'on inversât les rôles ou les pensées et que l'on prît celui-ci pour celui-là.

Zarafouchtra

Pour Jean Daniel, nulle confusion dans l'analyse, dès 1974 ! Dans son éditorial récent (5), il renvoie à ses écrits d'alors : "Ceux qui approuvent la mesure [de bannissement] dont Soljénitsyne a été victime, ceux qui s'y résignent, tous ces hommes ne sont pas des nôtres. (...) Ils ne veulent pas ce que nous voulons et, finalement, s'ils nous traitent en ennemis, ils ont raison". Et pan sur le bec, comme dit le Canard !

(1) Avant même le rapport Khrouchtchev sur la déstalinisation, bien des communistes ou compagnons de route avaient fait l'analyse du "socialisme réel" et s'étaient éloignés du P.C.F. - J.P. Sartre et quelques autres n'en étaient pas. (2) François Furet :"Le passé d'une illusion - essai sur l'idée communiste au 20e s." - 1995 R. Laffont (3) Déclaration de Jean-Luc Mélanchon à Canal +, le 5.08.08, après le décès de Soljénitsyne, prétendant les hommages surfaits et affirmant que l'écrivain russe était un "homme de droite ... gavé d'honneurs ... homophobe ... limite antisémite". (4) Se reporter à Philippe Robrieux "L'histoire intérieure du parti communiste français (1972-1982)" - Fayard - 1982 (5) Le Nouvel Observateur - n°2283 du 7 au 13 août 2008

mardi 12 août 2008

Quand l'art s'invite à votre porte

La Saône et Loire est un département aux multiples facettes. On pourrait citer tant de lieux ou d'activités qui le mettent en valeur ! Sans vouloir être exhaustifs, évoquons la célèbre race bovine charolaise ; les fins vignobles de Bourgogne du Sud avec ses Givry, Mercurey ou Montagny ; les sites illustres de Cluny, Autun, Paray-le-Monial ; les quelques 80 églises romanes qui le parsèment en Brionnais-Charolais ; Solutré et ses vestiges archéologiques, sans oublier les traces historiques que les Gaulois de Vercingétorix ont su léguer.
Que de splendeurs en un espace, somme toute, restreint que l'on peut parcourir à loisir sur des voies vertes ou véloroutes !
Mais l'histoire ne suffit pas à ce département que l'on imagine essentiellement agricole. Au gré de nos découvertes, à deux pas de chez nous, nous avons ressenti, cet été, quelques bonheurs simples et profonds .

D'abord la rencontre de quelques jeunes artistes, talentueux, formés à l'école de mosaïque du Frioul (Italie), qui exposent leurs œuvres à Paray le Monial. Devenue habituelle depuis plus de 10 ans, la manifestation 2008 s'intitule "M comme Mosaïque". Tous les artistes sont de jeunes mosaïstes européens de moins de 40 ans et la présentation de leurs oeuvres est passionnante, autorisant une agréable promenade artistique au coeur d'une ville où la céramique et la mosaïque sont des activités traditionnelles.
Plaisir de la création ouverte sous nos yeux. Mosaïque d'aujourd'hui et évocation des mosaïques de toujours. Œuvres personnelles ? Certes mais pas seulement : puisque les artistes invités réalisent aussi une mosaïque collective, apportant chacun -et pour une fois c'est le mot juste- leurs petites pierres à l'œuvre commune qu'ils laisseront à la Ville, en témoignage artistique de leur passage en Bourgogne.

Référence : Expositions de mosaïques à Paray-le-Monial

Mais le plus grand moment de notre après-midi d'été c'est la rencontre, dans la Tour Saint Nicolas, avec les œuvres d'une artiste italienne de 94 ans, Ines Morigi Berti, qui présente des mosaïques personnelles reproduisant des peintures de Joan Miro. Membre du fameux "Groupe des mosaïstes de Ravenne" elle a pendant 40 ans contribué à raviver l'intérêt du public pour l'art de la mosaïque monumentale. Loin d'être pillées, les œuvres de Miro sont comme recréées : la précision du trait, la rigueur des formes, le rendu des couleurs, le choix des matériaux et des textures de l'artiste magnifient l'art de Miro. Une artiste rare. Peut-être la plus jeune de tous les exposants !

C'est ce qu'évoque le site de la ville de Paray le Monial : cette artiste a mis "tout au long de sa carrière, son prodigieux savoir-faire au service de projets conçus par d'autres (...). Elle vient notamment de composer une série d'après Joan Miro où l'atmosphère poétique et spirituelle est parfaitement respectée : hommage touchant rendu par une professionnelle presque centenaire à un immense créateur du 20ème siècle. C'est le propos de cette exposition inédite, accompagnée d'un catalogue qui en souligne la qualité."

Et puis quelques jours plus tard, un peu plus au Sud, balade à Marcigny ! Dans ce gros bourg rural aux célèbres marchés du lundi, c'est l'art qui s'invite désormais comme fleuron estival. La 4e Biennale d'art contemporain nous a enthousiasmés. En quelques lieux particulièrement choisis (ancien local industriel, parc de ville, maison historique, etc.) 400 œuvres diverses, crées par 60 artistes, sont offertes aux promeneurs. Invités par une amie à cette découverte et guidée par ses commentaires éclairés, nous avons eu le plaisir de la rencontre : peintures, sculptures, gravures ; bois, métal, tissus, verres, etc... un foisonnement d'art passionnant ; tout n'est pas exceptionnel, mais tout vaut la peine d'être vu, détaillé, réfléchi. Car chaque œuvre cherche à faire sens.

C'est déjà l'essentiel. Néanmoins, quand je me remémore la définition de la beauté d'Emmanuel Kant : "le beau est ce qui plaît absolument, sans concept", je doute que toutes ces œuvres relèvent de la même catégorie ... Mais l'art depuis un siècle nous a habitués à la surprise. Nous ne voyons pas aisément la force que l'avenir accordera à certaines créations. Il m'arrive de souhaiter être
transporté dans le temps -quand l'histoire elle-même aura fait son œuvre et jeté dans l'oubli relatif ou définitif ce qui parfois nous comble d'aise aujourd'hui-, afin d'apprécier de façon plus sûre les peintures ou autres sculptures que le monde contemporain vénère ou ignore. Contrairement à ce que prétend le langage courant, elles sont bien rares les choses géniales ! Hélas, il n'existe même pas ce génie, capable de me faire traverser le temps ...


Est-il encore besoin de partir très loin en vacances, quand l'art s'invite à votre porte, pour des balades dans l'imaginaire ?
Zarafouchtra

Photos ci-dessus : 1. "M comme Mosaïque" (www.mosaique-paray.com ) - 2. Mosaïque de I. Motigi Berti, d'après J.Miro - 3. Photo-montage personnel d'après des oeuvres de la "Biennale 2008" de Marcigny (71).
Référence : Association "Regard sur l'art".
Détails de la photo montage :
* En haut-gauche : Jhemp Bastin - sculpture sur bois - travail à la tronçonneuse, bois naturel et bois brûlé.
* En haut-droite : Zevno Arcan - série à partir d'une peinture de lutteurs au sol, replacés à la verticale.
* En bas-gauche : Frédéric Rabasté - "Pénétration trop violente" (42x26x52 cm) - travail sur pierres.
* En bas-droite : Michel Urban - "Cathédrale" (32x32x95 cm) - acier inoxydable.

vendredi 8 août 2008

Le silence des anneaux ! Fiction ?

La veille de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Pékin, j'ai fait un rêve. Cauchemar ou prémonition ? Sottise ou vraisemblance ? A chacun de s'en faire juge.

La scène se passe dans la grande salle de réception du palais présidentiel de Pékin.
Le président Hu Jintao règle les derniers préparatifs de la cérémonie d'ouverture des J.O. Il porte sur ses épaules toute la fierté du plus grand pays du monde qui sera bientôt - et pour une quinzaine de jours- le point central de tous les regards. Cette nation souvent vilipendée, critiquée lors du passage de la flamme olympique, notamment dans quelques états libéraux de la vieille Europe, entend bien faire la démonstration de ses progrès économiques, sociaux, de sa démocratie, et notamment du respect effectif des droits fondamentaux dans son pays.
M. Hu Jintao vient déjà de rencontrer de nombreux chefs d'état, venus représenter leur pays à cette grand-messe de l'olympisme. Salutations, rencontres, diplomatie au plus haut niveau, dont se félicite le grand maître de la Chine, comme autant de récompenses pour les efforts accomplis et pour une plus grande reconnaissance de son poids dans la politique du monde. Avec une Chine ainsi célébrée, on n'est plus dans un monde d'affrontement Est-Ouest ou Nord-Sud ; on est déjà dans un monde multipolaire où ce nouveau leadership ne pourra plus être ignoré.
Pressé d'en finir avec ces formalités d'avant J.O., le Président chinois reçoit enfin -the last, but not the least ?- le président de la République française, M. Sarkozy, qui depuis des mois, non seulement avait laissé planer le doute sur sa présence, mais avait annoncé publiquement qu'il défendrait devant les autorités chinoises les droits de l'homme ; ceux des journalistes emprisonnés, des étudiants arrêtés, des manifestants interdits, des tibétains soumis et de bien d'autres encore tels les internautes empêchés de surfer à leur guise.
Après moultes courbettes et saluts réciproques [le président Sarkozy avait particulièrement étudié le protocole chinois, afin d'être le plus respectueux du raffinement de politesse apprécié en Chine, évitant notamment les bonnes tapes dans le dos dont il est coutumier], le président Hu Jintao prend la parole :

" - Soyez le bienvenu M. le Président de France ; la Chine est très honorée de votre présence, dont elle n'a d'ailleurs jamais douté...
- Je vous remercie de votre accueil si chaleureux. Mais vous recevez en ma personne le représentant des 27 états de l'Union Européenne dont je préside la destinée actuellement. J'en profite pour vous demander de bien vouloir excuser l'absence de Mme Merkel qui savait depuis 3 mois qu'elle serait souffrante aujourd'hui, ainsi que celle de M. Brown, qui devait ce matin conduire ses enfants à l'école
. Quant à ma Carlita chérie, elle n'a pu s'affranchir d'un rendez-vous dans un temple bouddhiste nouvellement inauguré en France. Pour ma part, dois-je vous dire que j'avais laissé longtemps planer le doute sur ma présence, juste pour me donner un peu de distance avec mes opposants habituels ? J'imagine que vous savez ce qu'il en est ...
- Bien sûr, bien sûr. Cependant, j'ai réellement craint pour la santé de vos entreprises, commerces et autres sociétés florissantes
françaises installées sur notre territoire ; en dépit de nos efforts, la conjoncture ne leur a pas été très ... favorable ce printemps ! c'est donc avec satisfaction que je constate que la France est toujours le pays de Descartes où la raison de l'essentiel l'emporte sur le risque de l'accessoire. N'est-ce pas ? dit-il dans un sourire non dissimulé
- Certes, entre gens raisonnables ... Néanmoins, M. le Président, je me suis engagé devant le très célèbre député européen des verts, M. Cohn Bendit, à discrètement vous transmettre ...
- Bien sûr, bien sûr. Comme je vous comprends,
reprend son interlocuteur. Les engagements sont les engagements, et il ne faut surtout pas y déroger. Voyez-vous, la Chine elle-même s'est engagée depuis l'an 2001 auprès du C.I.O. à respecter bien des choses. Notre bonne foi est totale, mais la liste en est si longue, que -une fois les J.O. terminés- nous aurons enfin le temps d'y travailler sérieusement. Les infrastructures sportives, les rénovations de quartiers entiers, les déplacements de populations, etc, etc, tout cela fut si lourd à gérer démocratiquement que nous n'avons pu faire face. Mais l'espoir est la philosophie du citoyen chinois, n'est-ce pas ?
- M. le Président, j'ai donc l'honneur de vous présenter -puis se tournant vers son secrétaire particulier : "M. Guéant, donnez-moi la liste de .... Comment vous l'avez oubliée dans l'avion ? Et pourtant, y a quelqu'un qui m'a dit que vous l'aviez encore" dit-il en chantonnant amèrement. S'il n'eût craint d'offusquer son interlocuteur, il en aurait ri jaune !
"- Ne vous inquiétez pas pour si peu, dit le président chinois. D'ailleurs, nous n'avons plus le temps de nous attarder à ces menus détails... La planète entière est déjà devant sa télévision ; elle nous attend pour la cérémonie."
Tout encore confus de ne pas avoir pu remplir sa mission, le président Sarkozy s'efforce de réprimander fermement, mais dignement ses collaborateurs. Tous des incapables ! Et avant même qu'il n'ait pu reprendre ses esprits, M. Hu Jinto s'approche à nouveau :
"- Tout cela est sans importance. J'allais moi-même oublier de vous transmettre la grande indignation de tout le peuple chinois devant l'interdiction faite à la manifestation des associations qui soutiennent les droits essentiels de vos immigrés ! Laissez ces pauvres gens "sans papiers" ? vous n'y pensez pas ! La France est-elle digne de son histoire en refusant cet exercice élémentaire du droit d'expression ? A votre place -mais je sais combien les opinions évoluent selon les cultures et les latitudes !- je lèverais aussitôt cet interdit qui ternira inévitablement votre image quand tout à l'heure les yeux du monde entier se poseront sur vous. J'ai tenu en effet à ce que vous soyez placé à mes côtés pour le plus grande gloire de la Chine nouvelle ... !
- Mais vous savez bien M. le Président ; ce n'est pas moi qui ai pris cette grave décision ; c'est Brice Hortefeux. Quand je vous dis : tous des incapables ! N'ayez crainte des ordres seront prochainement donnés pour mettre fin à cette grossière et sotte erreur."
Sur ces mots, les présidents s'éloignent l'un de l'autre, rejoignant leurs états-majors respectifs, juste avant d'aller inaugurer l'olympiade dans le célèbre "nid d'oiseaux". Et M. Sarkozy de téléphoner aussitôt à Dany le Rouge : "Ça y est, j'ai tout dit, les opposants, les journalistes, tout... Qu'est-ce qu'il a répondu ? Comme le titre de Libération de cette semaine, juste "le silence des anneaux". Puis de s'enfoncer dans un énorme éclat de rire.
C'est alors que je me suis réveillé ! Il était presque l'heure d'allumer la télé pour la retransmission. Place désormais au grand show de propagande, surveillé et formaté. "Quand la Chine s'éveillera..." : pour une fois Alain Peyrefitte avait raison.
Zarafouchtra

Le titre est tiré de la "Une" de Libération et de France-Soir du 31 juillet 2008.

vendredi 1 août 2008

A qui le Tour ? de Roland Barthes à Michel Serres ...

Le Tour de France cycliste vient de se terminer. Les héros sont fatigués, les pros après 3600 km de vélo, tout comme "les accros" après des heures passées devant les retransmissions TV. J'ai suivi quelques étapes, celles des Alpes notamment, après intérêt, mais sans passion. Sans la passion qui m'habitait lorsque Anquetil, Merxck, Hinault ou Indurain même, alignaient les performances et les victoires épiques. Leurs successeurs ne sont plus vêtus des mêmes atours qui faisaient nécessairement rêver. La suspicion est passée par là, le poison s'est immiscé dans les interstices de l'ambiguïté. Celle dont parlait déjà avec tant de finesse Roland Barthes dans ses célèbres "Mythologies" (Editions du Seuil - 1956) et en qui résidait "la signification essentielle du Tour" : "le mélange savant de deux alibis, l'alibi idéaliste et l'alibi réaliste, permet à la légende de recouvrir d'un voile à la fois honorable et excitant les déterminismes économiques de notre grande épopée."
Cinquante deux ans plus tard, les mêmes déterminismes sont là, plus prégnants que jamais : sponsors, résultats, publicité, efficacité, rentabilité, tout est bon pour valoriser l'image ; le vélo n'est qu'un vecteur parmi d'autres pour attirer l'attention, faire connaître et reconnaître les marques, augmenter les profits par l'audience légendaire. Car la légende du Tour qui transcende le temps et les générations, nourrit aujourd'hui la rentabilité des supports commerciaux, autant que l'engagement de ceux-là entretient la poursuite de l'aventure auprès des foules qui se pressent en haut des cols ou aux lignes d'arrivée.
Mais la "pression", l'obligation de résultats sportifs est de plus en plus forte afin de produire de plus grands résultats d'image, de profits. Comment ne pas imaginer dans un tel ordre de contraintes qu'il n'y ait pas au moins la tentation du dopage ? Déjà R. Barthes parlait du dopage comme une "affreuse parodie" : "doper le coureur est aussi criminel, aussi sacrilège que de vouloir imiter Dieu ; c'est voler à Dieu le privilège de l'étincelle." Parodie, tromperie, dans laquelle le coureur s'enfonce, voulant écrire par d'autres moyens que les siens propres, les pages de l'épopée. Découvert, il n'est plus ce titan capable de tutoyer les dieux, il est "ce pelé, ce galeux" honni et banni de l'épreuve, oublié de la mémoire, ignoré de la légende. Portant désormais sur lui, toute l'opprobre que la bonne conscience de la foule et des suiveurs lui déverse dessus, alors qu'elle venait de célébrer ses mérites, ses exploits prétendant que seuls son courage, sa ténacité et l'envie de victoire avaient su construire !
Plus insidieusement, d'autres épisodes ont démontré que le dopage n'était pas seulement la faiblesse ou l'inconscience individuelle du petit qui se voulait géant. Il était aussi parfois le résultat d'une organisation structurée, pensée, programmée avec l'appui d'équipes de techniciens, de scientifiques voire de médecins ! Désormais les principes de santé sportive ont été clarifiés. Des organisations chargées de lutter contre cette tendance au dopage ont vu le jour. Elles ont accru leur efficacité, mais c'est l'ambiguïté intrinsèque à ce sport, à tous les sports désormais, qui induit ces comportements déloyaux. Ceux qui utilisent les substances ou les techniques interdites se font prendre et punir sévèrement, mais il suffit d'avoir une étape, une technique d'avance, dans ce grand jeu "des gendarmes et des voleurs" pour obtenir la gloire sans le déshonneur, le fric sans le chômage. Cette année encore, l'italien Ricco passa de l'admiration sans borne à la raillerie la plus vive pour avoir tiré parti du "jump" de l'E.P.O. tout en niant l'usage de produits interdits. Enfin convaincu de fausse déclaration, il a tout avoué... Mais le vélo est un sport si difficile et exigeant que l'on peut comprendre, sinon absoudre ni justifier.
La lutte engagée pour un "Tour propre" comme pour un sport propre est indispensable ; tout doit être mis en œuvre pour que l'égalité dans la course aux médailles, aux records ou aux bouquets soit respectéee. Mais sans illusion. L'âge de l'innocence et de l'admiration sans borne est passée ; le sport est aujourd'hui trop sous la contrainte pour laisser croire en sa pureté originelle.
Pureté ? voilà bien un concept-limite qui n'a guère de sens. Ou bien il faut lui accorder celui que Michel Serres propose dans son dernier ouvrage "Le Mal propre" (Editions Le Pommier - 2008).

En substance dit-il, le propre, c'est le sale. L'homme salit, pollue pour s'approprier. Comme les animaux qui marquent leur territoire de leurs déjections, l'homme -notamment dans le monde de la surconsommation- s'approprie les territoires en les bornant de toutes sortes, y compris par les décharges qu'il installe à la périphérie de son espace vital ! Et de toutes ces stratégies d'appropriation, M. Serres nous suggère de nous délivrer, car elles conduisent toutes au conflit, à la guerre, à la pollution, à l'inégalité.
Alors quid d'un Tour propre ? Un Tour tel que nous le connaissons, celui que les sponsors, les marques, les financiers se sont appropriés et qui l'ont soumis à leurs désirs et profits ? Un Tour que les foules voudraient s'approprier pour pouvoir rêver encore plus, plus fort, plus longtemps, quitte à supprimer les contrôles anti-dopage pour continuer à s'illusionner comme auparavant ? Un Tour dégagé du soupçon de toute performance extraordinaire, pour croire au progrès infini de l'humanité ?
Aujourd'hui je sais que le jouet de mes années d'enfance, d'adolescence et même parfois d'adulte, n'était qu' illusion, baliverne, coquecigrue ! Désabusé et suspicieux je suis et demeurerai, tout en restant admiratif du talent, du style, du geste approprié, des efforts accomplis. Même dopé Armstrong reste un superbe coureur et Pantani un rare grimpeur !
A travers mes souvenirs, ce que je conserve sans réserve, ce sont les récits que les Pierre Chany, Antoine Blondin et quelques autres ont écrits. Revisité par la littérature, le sport cycliste notamment change de nature ; il se fait légende, il dépasse l'histoire, il transforme les acteurs en demi-dieux et les lecteurs en complices éclairés. Là, il est préservé de tout produit vénéneux, il sent l'air pur des sommets métaphoriques ; il enivre l'esprit, sans l'ivresse du corps. Il se donne pour que chacun s'approprie cette mythologie. Et si vous êtes cyclosportif, cyclotouriste ou seulement pratiquant du dimanche, vous êtes en mesure de ressentir ses bienfaits jusqu'au bout de vos pédales.

Ces jours derniers, entre deux belles sorties cyclo, je suis passé des retransmissions du Tour aux pages célèbres des passionnés de vélo. Pas de doute : les exploits par les mots sont encore plus beaux que sur les vidéos ! La preuve indiscutable ? Lisez ou relisez "La légende des cycles", "Le Grand braquet" de Jean-Noël Blanc ou "Besoin de vélo" de Pierre Fournel.

Dans quelques jours les Jeux Olympiques de Pékin commencent. J'admirerai les gestes, les techniques, les combats des hommes et des femmes. Leurs succès ou leurs échecs seront les leurs, ils leurs seront propres. Ne les salissons pas avec nos désirs d'appropriation, de patriotisme ou de chauvinisme. Ce serait inévitablement refaire le geste fondateur de celui qui pollue l'espace pour s'en faire propriétaire ! "La propriété, c'est le vol" disait Proudhon, sans doute n'avait-il pas entièrement tort !
Zarafouchtra
(ci-dessus, dédicace personnalisée de Jean-Noël Blanc, pour son livre "La légende des cycles" - juin 2003)

jeudi 31 juillet 2008

Douceur angevine

Bien souvent il nous était arrivé de traverser Angers, jamais de nous y arrêter. Lors de nos nombreux voyages en Bretagne, les haltes étaient plutôt réservées aux célèbres châteaux de Blois, Azay le Rideau ou autres Chenonceau, parfois aux parcs et jardins de Chaumont ou Villandry.
D'Angers, seule me trottait dans la tête cette petite musique des vers de Du Bellay immortalisant "la douceur angevine". Quoi donc ? un climat, un pays, des couleurs, des images, où -la nostalgie aidant- le poète enracinaient ses plaisirs, ses amours, ses espoirs et ses rêves.

Un dimanche matin de juillet, avant que le soleil ne soit trop haut dans le ciel, je l'ai ressenti ce climat ; j'ai enregistré ces couleurs et entendu mes oreillers bourdonner de cette musique douce. En traversant la vieille ville, en longeant le château et ses 17 tours rondes, l'esprit de cet Anjou du "bon roi René" m'a transpercé. En moi, l'histoire redonnait vie à la poésie : "Heureux qui comme Ulysse...". J'ai compris combien une belle plante, née de cet enracinement-là pouvait s'étioler si elle venait à en manquer.
Ces senteurs, cette musique ne se restituent pas aisément. Seules quelques photos, volées en cette paisible matinée, peuvent en laisser pressentir la douceur de la réalité. A défaut de la réalité de la douceur.
Zarafouchtra

Ci-dessus : jardins de Villandry - 13.07.08
Ci-dessous : pêle-mêle d'Angers - 13.07.08 (pour détailler, faire un clic sur la photo)

mardi 29 juillet 2008

Au fil des jours ... 8-11 juillet : la Grangette

C'était il y a plus de trente ans ... nous avions donné un coup de mains à Albert et Christiane pour reconstruire une vieille ferme, brûlée, abandonnée. C'était l'époque où nombre de citadins, retrouvant leurs racines terriennes, voulaient repeupler les campagnes désertifiées et leur redonner vie. Beaucoup ont lâché prise au bout de quelques années. Albert et Christiane ont persisté. Ils viennent régulièrement à "la Grangette", où ils y ont tissé des liens, où ils y trouvent la tranquillité paysanne, des paysages naturels et des lieux de nouvelles découvertes à vélo ou à pied l'été, à ski lorsque les Mézenc est revêtu de ses épaisseurs de neige.
Nous y étions revenus quelques fois, mais avec les années nos souvenirs s'étaient estompés et les évolutions successives de la maison nous avaient échappé. Plaisir des amis retrouvés, plaisir des lieux transformés ...

De Beaudelaire, ils ont en tout cas conservé le goût de l'invitation au voyage : "Songe à la douceur, d'aller là-bas, vivre ensemble ! -dit Beaudelaire- au pays qui te ressemble !" Au pays qui leur ressemble : au coeur d'une Ardèche rustique et belle, rude et généreuse, verte et colorées de fleurs et de senteurs.
Et pour poursuivre avec le poète, si l'on sait écouter et contempler : "Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté."
Calme et volupté dans un luxe minimal, frustre parfois, mais tout intériorisé. Luxe d'un mode de vie choisi, d'un partage amical permanent avec les copains ou la famille. La Grangette, c'est un carrefour habité, un courant d'air tant y passent de visiteurs invités ; une auberge espagnole où vous ne manquerez de rien. Pas même des récits et des rires sans fin d'Albert, ni des histoires de voyages de nos éternels globe-trotters, chevauchant leur VTT de Lyon à Istambul, de l'Arizona au Québec !
C'est donc à vélo que nous avons sillonné ensemble quelques routes alentour, pour découvrir quelques lieux privilégiés.
D'abord le chateau de Rochebonne surplombant la vallée de l'Eyrieux, entre Saint-Martin de Valamas et le Cheylard, et se découpant sur l'horizon de la chaîne des sucs où dominent le Mézenc et le Gerbier de Jonc.

(pour détailler, faire un clic sur la photo)
Là quelques ruines datant de la fin du XIe siècle laissent imaginer la vie au pied du chateau de la belle Arnaude et de Bertrand de Rocha Bonna ! Devenu enjeu des convoitises lors des guerres de religion, il fut envahi, pillé, détruit... Aujourd'hui, des passionnés d'histoire locale et de patrimoine s'efforcent de préserver les vestiges et de reconstruire quelques murets. Méthodiquement les blocs de pierre taillés reprennent la place qu'ils avaient perdu depuis des siècles.

Puis le lendemain, montée sur le plateau de Faye sur Lignon. Une belle "bosse" de 13 kilomètres, pour atteindre la fraîcheur, malgré le soleil, et les senteurs de la flore épanouie. Bientôt on arriva à Saint-Front : le lac de cratère, aux eaux claires et pures, puis le village haut perché avec son église romane, aux pierres grises ou noires nées du volcanisme alentour.
Et tout au long de la journée, les nuances de vert qui se superposent : le vert des fayards, celui des sapins et autres résineux, le vert des bouleaux, celui des marronniers, celui des prairies parsemées de toute la palette des couleurs.
Un régal, loin de tous les encombrements des autoroutes. Mais pourquoi vont-ils tous dans cette galère ?
Zarafouchtra


jeudi 24 juillet 2008

J'avais cru au miracle ...

La présence radieuse d'Ingrid B., enfin libre sur le sol français, avait produit un rare moment de vérité. Le Président lui-même irradié avait donné une image à la hauteur de sa fonction. Digne enfin comme il ne l'avait que rarement été depuis son élection. Oubliés les méprisants "casse-toi pauvre con" ou les "descends un peu l'dire", au bénéfice peut-être d'un nouvel état de grâce qui ne serait pas dilapidé par quelques séquences "bling bling".
Hélas, il fallut moins de 24 heures pour déchanter ! Auréolé de cette victoire de la liberté sur la barbarie des FARC - puisqu'Ingrid Bétancourt elle-même lui en accordait la part de responsabilité-, le lendemain, il s'en alla parader au conseil national de l'UMP, comme lors du G8, décrit avec tant de justesse par P.P.D.A., "excité comme un petit garçon qui est en train de rentrer dans la cour des grands". Et de décrire combien la France change sous l'impulsion de sa politique. "La France change beaucoup plus vite, beaucoup plus profondément qu'on ne le croit", dit-il, justifiant l'idée par l'exemple -non sans cynisme ni prétention- : "désormais quand il y a une grève, personne ne s'en aperçoit".
Patatras ! fini l'état de grâce. Retour au candidat président, au président partisan. En bonne métaphysique aristotélicienne, on pourrait dire que l'apesanteur n'est décidément pas l'essence de notre président ; elle lui est au mieux un accident. Les français estimaient cette qualité nécessaire à la fonction, chez le titulaire actuel elle est simplement contingente.
J'avais cru au miracle, ce n'était qu'un mirage.
Zarafouchtra

Référence : Le Discours de N. Sarkozy -cliquez pour consulter sur le
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